Le 23 janvier 2018, la CFDT a organisé, sur le site de Convention, une Heure mensuelle d’information (HMI) sur un thème sensible, la prévention des violences sexuelles et sexistes sur le lieu du travail. Une trentaine d’agents ont assisté à cette réunion, parmi lesquels plusieurs acteurs de la prévention des risques au ministère.
Animée par Christophe Dague, secrétaire général de l’Union départementale de Paris de la CFDT, ainsi que par deux permanentes de la CFDT-MAE, Anne Colomb et Denise Dariosecq, cette rencontre s’inscrivait dans la prévention des risques professionnels au Département. Elle avait pour objectif de préciser aux agents les notions en cause et de leur fournir des outils de prévention et de réaction face à ces risques.
Un quiz pour clarifier les notions
La réunion a débuté par un quiz qui a permis aux participants de clarifier les notions de harcèlement sexuel, agression sexuelle, viol, ainsi que d’agissements sexistes.
Loi du 6 août 2012 : « I.- Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II.- Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
Le harcèlement sexuel est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes. Parmi les circonstances aggravantes, on relève le fait, pour une personne, d’abuser de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Un délit d’agression sexuelle est plus sévèrement sanctionné que le harcèlement sexuel : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, voire, en cas de circonstances aggravantes, 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende ou 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.
Art 222-22 du Code pénal : « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». La jurisprudence précise que les agressions sexuelles concernent des attouchements imposés sur 5 parties du corps : fesses, seins, sexe, cuisses et bouche.
Le viol est un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle, hors circonstances aggravantes.
Art 222.23 du Code pénal: « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » est un viol.
Les agissements sexistes sont, depuis 2017, prohibés dans le statut général des fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (Art 6 bis de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires).
Les agissements sexistes sont passibles de sanctions disciplinaires et, selon la nature de la situation, de possibles sanctions pénales.
Le quiz a également permis de rappeler la différence importante entre la séduction, qui suppose consentement et réciprocité et le harcèlement sexuel qui ne fait aucun cas de la gêne, du malaise ou du refus de l’autre. Enfin, le constat a été fait que dans le milieu du travail, les freins à la libération de la parole restent très puissants, d’où l’importance des mesures de prévention.
L’obligation de prévention
La 2ème partie de la rencontre a insisté sur l’importance de la prévention. Elle s’impose à l’administration, le Guide de prévention et de traitement des situations de violences et de harcèlement dans la fonction publique produit par la DGAFP étant explicite : « Afin de prévenir le risque de la survenue de situations de harcèlement et de violences, les administrations sont tenues de mettre en œuvre des mesures de prévention qui permettent, soit d’éliminer en amont le risque de manifestation de ces situations, soit de donner aux agents les outils nécessaires pour réagir efficacement s’ils en sont victimes ou témoins ».
La CFDT-MAE a inscrit un point spécifique sur le sujet au CHSCT ministériel de décembre 2017. Elle a demandé qu’un dispositif renforcé de prévention soit mis en place et que des sanctions soient prises si de tels faits étaient commis. En effet, c’est encore aujourd’hui après l’alerte sur une situation de ce type que les choses se compliquent, à savoir les décisions de l’administration pour reconnaître la victime et lui porter assistance, et les sanctions contre l’auteur des faits s’ils sont avérés. La CFDT demande donc que soient mises en place les actions de sensibilisation de tous les agents et la formation obligatoire des encadrants. Elle se félicite des annonces du Ministre qui vont dans ce sens, en particulier l’amélioration des systèmes d’alerte et l’intégration à venir d’une référente chargée du harcèlement (moral et sexuel) dans le dispositif du déontologue.
Les recours des victimes
Lorsque la prévention primaire a échoué et qu’un agent est victime de violences sexuelles ou sexistes, quelles sont les actions à entreprendre ?
La CFDT a tout d’abord rappelé les droits et les outils dont disposent les victimes :
- La protection fonctionnelle
Mise en œuvre par l’administration, la protection fonctionnelle vise à protéger et assister les agents victimes d’une infraction dans le cadre de leurs fonctions.
Le principe de la protection fonctionnelle est posé par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dont le premier alinéa dispose que : «Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales […]. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté». La liste n’est pas limitative, et la loi du 8 août 2016 a ajouté les agissements sexistes aux risques contre lesquels il faut protéger les agents, au même titre que contre les harcèlements.
Dès que la victime en fait la demande et que les conditions sont remplies, l’administration employeur est tenue de la mettre en œuvre, sous peine de voir en cas d’inaction sa responsabilité engagée.
En d’autres termes, dès lors, l’octroi de la protection entraîne l’obligation pour l’administration, dès qu’elle a connaissance des faits de harcèlement, de mettre en œuvre, sans délai, tous les moyens de nature à faire cesser ces agissements. Dans ces conditions, il lui appartient d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre de l’auteur du harcèlement, de l’éloigner de l’agent victime, et de rétablir l’agent dans ses droits au sein des services, s’il en a été privé par l’effet des actes de harcèlement. Elle pourra également, le cas échéant, faire bénéficier l’agent d’une assistance juridique, de la prise en charge des frais d’avocat et des frais de procédure, s’il souhaite poursuivre l’auteur des faits en justice aux fins d’obtenir réparation de son préjudice et la condamnation de l’auteur des agissements.
- La procédure d’alerte
Elle consiste pour un agent à signaler à l’administration toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé. Le CHSCT compétent est également informé. L’alerte se fait sur un registre spécial tenu sous la responsabilité du chef de service.
- Le droit de retrait
C’est le droit que peut exercer un agent qui estime avoir un motif raisonnable de penser qu’il est exposé à un danger grave et imminent menaçant sa vie ou sa santé. Pour l’exercer, il faut en avertir son supérieur hiérarchique, et consigner sa situation de retrait dans un registre spécifique. L’administration doit alors prendre des dispositions (enquête, saisine du CHSCT) afin de permettre une reprise du travail dans des conditions de sécurité.
Par ailleurs la victime dispose d’interlocuteurs qui peuvent l’aider, certains de création récente :
– Le CHSCT (qui n’est pas une instance de syndicalistes exclusivement) sur lequel pèse des obligations de prévention et de réaction (danger grave etc.) ;
– Le médecin de prévention ;
– L’inspecteur de santé et sécurité du travail (ISST) ;
– Les assistants de prévention ;
– Les assistants de service social ;
– Les psychologues ;
– Le médiateur ;
– Le référent déontologue + 1 référent spécifique à terme sur les questions de harcèlement, qui coiffe une cellule d’écoute.
– Les représentants du personnel.
Enfin, il est possible de saisir le juge : le juge administratif contre l’employeur qui a failli à son obligation de protection et/ou le juge pénal contre l’auteur de l’infraction.