Quelque-part dans une armoire située au service du personnel et bientôt dans un coffre-fort électronique, un dossier est ouvert au nom de chaque agent public. Tous les éléments relatifs à sa carrière y sont rassemblés, les bons comme les mauvais points.
Le dossier individuel ou administratif de l’agent (1) est, à la fois, un outil de gestion de sa carrière, utile au service du personnel, mais aussi une garantie de protection de l’agent contre le “risque d’arbitraire” de son employeur. C’est pourquoi, il apparaît pertinent de faire le point sur cette thématique. L’agent est non seulement en droit d’en exiger la bonne tenue (2), mais aussi d’y avoir accès (3). Mais encore faut-il connaître les règles relatives à sa composition et celles relatives à sa communication. Voyons brièvement ces deux points.
I. La bonne tenue du dossier individuel
L’article 18 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée pose le principe : “le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité” (A) et ses limites : “il ne peut être fait état dans le dossier d’un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé” (B).
A/ La présentation des éléments devant être contenus dans le dossier
Les éléments devant être contenus dans le dossier peuvent avoir un caractère permanent ou temporaire (4). Les pièces ayant un caractère permanent sont les documents essentiels au suivi de la carrière. Elles sont à conserver de l’entrée en fonction de l’agent jusqu’à sa radiation des cadres. Il s’agit des documents relatifs au recrutement de l’agent (concours, liste d’aptitude, certificat attestant de la nationalité, copie des diplômes, bulletin n°2 du casier judiciaire …), des documents relatifs à la rémunération (arrêté de NBI…), les documents relatifs à la carrière de l’agent (relevés de notation annuelle, avis de la CAP, avancement de grade, d’échelon …), les documents relatifs à la formation (attestation de formation, demandes de formation refusées à l’agent …), les documents relatifs à la discipline (dossier disciplinaire, arrêtés portant sanction sauf l’avertissement qui ne doit pas être porté au dossier de l’agent…) et les documents relatifs à la cessation de fonctions (dossier de pension, radiation des cadres, démission …). Le dossier médical fait l’objet d’un classement à part. Tous ces documents doivent être enregistrés chronologiquement par ordre d’arrivée, numérotés (il convient de donner à ces pièces un numéro de classement) et classés sans discontinuité (5). Un classement par thème est possible. Les pièces ayant un caractère temporaire sont celles qui intéressent la situation administrative de l’agent dans un délai limité. Leur conservation n’est pas nécessaire. Il s’agit, par exemple, d’une demande d’autorisation d’absence, d’une attestation de scolarité, du double des bulletins de paye ou encore de la notification du changement d’adresse. Ces documents peuvent être numérotés dans une série annuelle et versés aux archives ou détruits dès lors qu’ils n’offrent plus d’intérêt pour la situation administrative de l’agent (6).
B. Les éléments prohibés dans le dossier
Le principe posé par la loi est qu’il est interdit de faire état dans le dossier d’un fonctionnaire des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé. Certaines informations pourront être contenues dans le dossier lorsque l’agent en demande le bénéfice. Ainsi, par exemple, l’attribution d’une décharge d’activité syndicale, un congé de formation syndicale ou encore une demande d’autorisation pour participer à une fête religieuse seront autant d’éléments devant figurer dans le dossier. L’agent donne son accord implicite pour que ces pièces soient portées à son dossier. Ces pièces doivent aussi être enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. En revanche, et bien évidemment, aucune appréciation sur la manière dont l’agent exerce sa fonction syndicale ne doit être mentionnée dans le dossier (7).
II. La consultation du dossier
Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel (A) selon des modalités définies par la loi (B) (8). A. Le droit à communication du dossier L’agent bénéficie d’un droit permanent d’accès à son dossier. Ce droit peut être exercé dans le cadre des procédures prises en considération de la personne (licenciement, le non renouvellement d’un contrat lorsqu’il est justifié par l’insuffisance professionnelle de l’agent …) ou dans le cadre de la procédure disciplinaire (9), mais aussi à tout moment. Ce droit peut donc être exercé à tout moment et en dehors des cas limitativement prévus par la loi. Ainsi, à titre d’exemple, la décision de refus de titularisation à l’issue d’un stage n’a pas être précédée de la possibilité d’informer l’agent de son droit à cette consultation. Mais l’agent peut avoir communication de son dossier en application de son droit individuel d’accès aux documents administratifs et donc de son dossier individuel (10). Ce droit ne s’applique jamais pour les documents inachevés comme les documents préparatoires à la décision. Et, l’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes répétées portant sur des documents identiques (11) ni aux demandes abusives, en particulier par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique (12).
En outre, concernant le dossier médical, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé “toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé”. Il est maintenant possible d’accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin. B. La procédure de consultation du dossier par l’agent L’agent doit formuler une demande auprès de son administration. Il est préférable que cette demande soit écrite mais il n’est pas utile de justifier les motifs de la demande (13). La consultation est organisée dans les locaux de l’administration ou bien les photocopies des pièces demandées peuvent être adressées à l’agent s’il se trouve dans l’impossibilité de se déplacer.
1. La consultation du dossier dans les locaux de l’administration
La consultation du dossier peut avoir lieu dans les locaux de l’administration. La communication doit être intégrale : toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents doivent être communiqués. La communication est personnelle et confidentielle : seul l’agent ou son représentant muni d’une procuration peut avoir accès à son dossier L’agent peut toujours se faire accompagner par une personne de son choix (14). L’administration peut faire émarger et dater l’agent. L’agent a la faculté de joindre, en annexe, toute pièce ou commentaire personnel s’agissant des documents pouvant avoir une conséquence sur son avancement ou sa carrière qui mentionneraient une appréciation (15).
2. L’envoi des copies des pièces à l’agent
L’agent peut demander l’envoi des photocopies des pièces à condition de les désigner nominativement et sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document (16). Les copies sont délivrées en un seul exemplaire aux frais de l’agent.
Concernant le dossier dématérialisé : L’article 18 précité modifié par la loi n°2009-972 du 3 août 2009 a précisé que “dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le dossier du fonctionnaire pourra être géré sur support électronique”. Le projet de décret soumis à l’examen du CSFPT le 29 septembre 2010 comporte deux titres. Le titre Ier détermine les principes généraux de gestion du dossier sur support électronique, tandis que son titre II précise les conditions d’accès de l’agent à son dossier, lorsqu’il est géré sur support électronique. Dès lors que ce projet n’est pas encore entré en vigueur, il n’est pas encore possible de mettre en place un dossier dématérialisé. Cette rubrique n’a que la modeste ambition de vous informer brièvement sur les règles qui vous sont applicables dans l’exercice de vos fonctions sur une thématique donnée.
(1) Fonctionnaires et agents non titulaires, de l’Etat et de la fonction publique territoriale
(2) CAA Paris, 96PA00186, du 12 octobre 2000, Mme MONTEIL BARROULIER
(3) Article 18 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée
(4) Circulaire FP 1430 du 5 octobre 1981
(5) CAA Paris, 96PA00186, du 12 octobre 2000, Mme MONTEIL BARROULIER
(6) Circulaire FP 1430 du 5 octobre 1981 précitée
(7) CE 189318 du 27 septembre 2000 Roca
(8) Article 18 de la loi n°84-53 du 16 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale modifiée
(9) Article 19 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée
(10) Article 2 de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal modifiée
(11) Circulaire FP 1430 du 5 octobre 1981 précitée
(12) Article 2 de la loi 78-753 précitée
(13) Circulaire FP 1430 du 5 octobre 1981 précitée
(14) Avis CADA du 24 septembre 1981 Lamberti
(15) Circulaire FP 1430 du 5 octobre 1981 précitée
(16) circulaire FP 1430 du 5 octobre 1981
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