La CFDT-MAE a été conviée, avec l’ensemble des organisations syndicales, ce 2 mars dernier à une réunion d’information sur « les enjeux et projets de modernisation de la DFAE », présidée par la directrice des Français à l’étranger.
Le format en est important : alors que l’exercice était initialement présenté comme un « groupe de travail conjoint CTM/CTAC », il nous a fallu rappeler d’entrée de jeu que le caractériser ainsi était fallacieux : un groupe de travail se décide en instance, avec un but précis et avec des documents de travail ad hoc. Nous relevons que le sous-directeur RH1 a reconnu ce point.
En l’occurrence, les sujets n’étaient pourtant pas négligeables, puisque visant à faire le point sur les décisions, déjà prises, de sacrifice sur l’autel de la dématérialisation et de l’externalisation de deux missions consulaires clefs : l’état civil (avec la mise en place du registre d’état civil électronique – RECE) et l’accueil consulaire (avec le lancement du centre d’appel « France consulaire »).
Et l’enjeu dépasse notre seul ministère, « administration test » pour le RECE : ce qui sera validé en la matière au MEAE s’appliquera, ensuite, à l’ensemble de l’état civil communal.
RECE : AGENTS DÉPOSSÉDÉS DE LEUR MÉTIER ; USAGERS MIS EN DIFFICULTÉ.
Nous avons à plusieurs reprises dit les pourquoi de notre opposition au projet de RECE, lors du CTM du printemps 2019, où ont été présentés les projets d’ordonnance et de décret qui prenaient leur source dans la loi 2018-727 du 10 août 2018 « pour un Etat au service d’une société de confiance » (dite loi ESSOC) et lors du CTAC d’octobre dernier notamment.
Si l’on en croit l’administration, il s’agit tout d’abord de « simplifier les démarches des usagers ». Finies les déclarations de naissance au consulat et l’envoi de dossiers de demandes de transcription d’un acte d’état civil local dans les registres de l’état civil français. Les usagers devront avoir recours aux télédéclarations et télétransmissions de dossiers. Il faudra un ordinateur, un scanner et une bonne connexion internet. Cette « simplification » ne sera réelle que pour ceux possédant les outils adéquats et sachant les utiliser, laissant sur le bas-côté les autres, alors que la fracture numérique a déjà été dénoncée haut et fort par le Défenseur des droits.
Il s’agit ensuite « d’améliorer la qualité du service public ». Comme nous venons de le voir, la distance créée entre les agents et leurs interlocuteurs n’aura que pour effet de détériorer la qualité du service, tout particulièrement pour les plus fragiles une fois de plus, dépossédant en outre les officiers d’état civil de leur métier de contact et d’analyse et les transformant en simples opérateurs de saisie.
Le troisième objectif vise à « conduire à des économies budgétaires mesurables ». Lorsque l’on sait que le projet est conduit avec de l’argent prêté par le fonds de modernisation de la Fonction publique (FTAP) qui exige qu’un euro prêté génère un euro d’économie, que ce soit en fonctionnement ou en masse salariale, et que les économies de fonctionnement n’atteindront pas, et de loin, les 3 millions empruntés, ce sont donc des ETP qui vont être supprimés.
Le dernier objectif vise à « améliorer la qualité de vie au travail ». Il n’est cependant planifié qu’une fois l’expérience « pérennisée », soit au bout des 3 années d’expérimentation et de double travail que les agents devront effectuer, numérique et papier, sur lequel la DFAE fait l’impasse, et dans un service qui ne dispose déjà aujourd’hui ni des effectifs nécessaires pour faire face à la charge de travail « ordinaire », ni des aménagements essentiels en matière d’organisation du travail.
Au-delà de ces éléments factuels, il y a dans le projet de RECE un piège bien plus subtil : Certes, l’exercice nous est présenté comme une « expérimentation », mais une expérimentation menée dès le départ, et volontairement, menottes aux poignets. La CFDT-MAE a en effet croisé la lecture de l’ordonnance 724/2019 du 10 juillet 2019 avec le contrat FTAP qui n’a, lui, été signé qu’en novembre de la même année.
Il est prévu que l’expérimentation se fasse « pour une durée de 3 ans à compter de la publication de l’ordonnance » (donc jusqu’au 9 juillet 2022) et il est stipulé que « l’évaluation de la présente expérimentation fait l’objet d’un rapport remis au Parlement au plus tard 6 mois avant le terme du délai », soit le 9 janvier 2022. Dans le rétroplanning du contrat, l’exercice de retour d’expérience, joliment nommé « étape d’enrichissement de l’outil de l’agent » (phase 4) est « ciblé » pour « début 2022 » : il ne pourra donc pas être intégré au document d’évaluation remis à la représentation nationale, et députés et sénateurs se prononceront ainsi sur la seule voix de l’administration, sans avoir entendu ni les agents ni, encore moins, les usagers : bien joué, mais cela s’est vu !
FRANCE CONSULAIRE : VERS LA PRIVATISATION ET LA CENTRALISATION DU CONSULAIRE.
Le DFAE nous a ensuite fait part de l’ouverture, à la rentrée 2021, du centre d’appel « France consulaire » qui, de la Courneuve, recevra les appels « de premier niveau » émanant de nos compatriotes à l’étranger.
La montée en puissance de ce centre d’appel est prévue en trois phases, jusqu’en 2023. La première année, ce sont un agent A et trois agents C qui « encadreront » une vingtaine de « téléconseillers ».
Vous aimez les services client des opérateurs téléphoniques ? Vous les retrouverez en cherchant de l’aide pour refaire un passeport en urgence ou en souhaitant contacter votre consulat de proximité.
Là encore, la machine enclenchée l’est quasi-irrémédiablement : ce sont en effet les 2/3 des sommes nécessaires à la mise en place dudit centre qui proviennent de la merveilleuse manne du FTAP évoquée précédemment. A deux reprises durant leur exposé, la directrice et son adjoint ont d’ailleurs répété que c’est « suite aux suppressions de postes » des années précédentes que cette évolution était devenue nécessaire.
La CFDT-MAE l’avait anticipé voici près de quatre ans, mais le service consulaire de demain, ce n’est plus l’humain notre « cœur de métier », élément de langage qui survit, certes, mais une simple borne d’appel.
Qu’il s’agisse d’état civil ou d’assistance consulaire, cette destruction progressive du service public nous est tout simplement inacceptable ; notre organisation pèsera de tout son poids, tant aux côtés de nos agents et compatriotes que des élus des Français de l’étranger pour faire valoir sa vision du service de l’Etat à l’étranger et mettre chacun face à ses responsabilités.