« Coûts relatifs-Calculette.xls ».
Si vous ne savez pas ce que vous valez, l’administration vous le dit ! Et fournit à votre chef de poste le rabot, les ciseaux, la tronçonneuse (on hésite à nommer l’outil), qui lui permettra « d’atteindre ses objectifs » : un superbe fichier Excel comme on les aime à Bercy, déshumanisé à souhait, où l’on peut jouer au maître du monde qui vient : transformer, réduire, supprimer des ETP jusqu’à atteindre les 7, 10 ou 13% de masse salariale en moins (selon les postes).
C’est comme chez Weight Watchers®, mais ce sont vos emplois qui sont en jeu.
Dès le printemps, la CFDT-MAE avait mis en garde le ministre sur le marché de dupes qu’était « Action Publique 2022 », ce projet visant à « améliorer la qualité des services publics, offrir un environnement de travail modernisé aux fonctionnaires et maîtriser les dépenses publiques en optimisant les moyens », concocté par un « panel » d’experts venant du privé et aux activités très tendance : Safran®, Deezer®, Station-F®. Ne manquaient qu’Uber® et Amazon®.
Deux documents viennent confirmer notre diagnostic et mobiliser au combat : le CF de cadrage sur la « réforme des réseaux de l’Etat à l’étranger » (fin septembre) et l’audition du secrétaire général devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat (3 octobre).
Du premier, on découvre la mise en œuvre pratique de l’objectif de réduction globale de la masse salariale du Département : moins 10 % d’ici 2022. Il débute par les antiennes habituelles de « rationalisation », dont on sait qu’elle est soit déjà en œuvre, soit une vue de l’esprit, et évoque « la gestion horizontale des agents de droit local en poste » (à ce stade, nous sommes preneurs d’explications…).
Il ouvre ensuite un chantier qui rappelle la précipitation des exercices similaires que furent la RGPP (2007), la MAP (2012)… et même MAEDI 21 (2015) : les postes (déjà en pleine période de préparation budgétaire, en approche de la fin de gestion et –pour le tiers d’entre eux– en phase de prises de fonctions) ont 6 semaines pour préparer la programmation des effectifs 2019 en y intégrant « comme à l’accoutumée, des propositions de suppression ou de transformation d’emplois » et 8 semaines pour élargir l’exercice en un « schéma ciblé à l’horizon 2022 ».
Chaque agent de l’Etat se voit ainsi attribuer un indice ; là où un agent C vaut 100, un cadre A (hors chef de poste) vaut 194, un ADL 31, un VI 25… Dès lors que l’objectif de moins 7, moins 10 ou moins 13 % est fixé, il n’y a plus qu’à jouer du tableur et faire passer la case « résultat » en vert ! Si l’équipe en place a des doutes ou des scrupules, le CF est-là pour la guider ; on fait ainsi de la pédagogie des valeurs : « Ainsi, supprimer un poste de titulaire A représenterait un effort net de 194, et supprimer 2 postes de titulaires C représenterait un effort de 200. Et transformer 8 CDD en 5 VI et 3 CRSP représenterait un effort net de 669 [(8×118)-(5×25)-(3×50)=669] ».
Pour faciliter le travail de coupe, les cibles sont également pré-désignées : les fonctions consulaires et les fonctions supports, cœur de l’emploi des agents titulaires C et B !
Du second, on apprend deux chiffres, qui ont la vertu de l’honnêteté : pour 2019, l’effort demandé au MEAE (suppression de 130 ETP, sans que l’on sache d’ailleurs s’ils sont partie prenante des moins 10% sur 4 ans) correspond à 8 % de l’ensemble des suppressions demandées à la Fonction publique… quand le ministère n’en représente que 0,7% des effectifs !
La CFDT-MAE rejette cette logique purement comptable du service (au) public à l’étranger ; elle l’a fait savoir lors de son audition par la rapporteure des budgets 105 et 151 à l’Assemblée nationale, et va le faire savoir aux rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » au sein de la commission des finances du Sénat. Elle continuera à l’argumenter lors des prochaines échéances et saura en tirer toutes les conséquences dans ses positions en dialogue social.
Notre position n’a pas changé : Il est indispensable à notre sens de poser avant tout la question des missions avant de poser celle des effectifs. Définir ce que doit être l’Action publique à l’étranger avant d’en calibrer les moyens supposerait que le pouvoir politique assume ses choix. Et diminuerait la part de subjectif dans le massacre à la calculette en cours.