Afin de nourrir votre réflexion sur le sujet sensible et d’actualité de la réforme des retraites, la CFDT-MAE vous propose de prendre connaissance, en ce début du mois d’août, d’un article portant sur le rapport « Delevoye » dont beaucoup d’entre vous ont entendu parler dans les médias récemment.
Ce texte a été publié le 19 juillet dernier, par Anne-Sophie Balle, rédactrice en chef adjointe du magazine « Syndicalisme Hebdo », sur le site de notre confédération.
Pour mémoire, Jean-Paul Delevoye a été nommé haut-commissaire à la réforme des retraites auprès de Mme Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé. Le haut-commissaire a pour mission d’organiser la concertation avec les principaux acteurs du champ des retraites et de coordonner, au niveau interministériel, les travaux de préparation de la réforme des retraites, de rédaction des projets législatifs et réglementaires et de suivi de leur mise en œuvre.
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Le rapport « Delevoye » doit servir de base à un projet de loi
Le 18 juillet, Jean-Paul Delevoye a remis ses préconisations sur le futur régime de retraites. Une deuxième phase de concertation doit s’ouvrir avec l’exécutif. La présentation d’un projet de loi est attendue à la fin 2019.
Ce n’est, pour l’heure, qu’un rapport. Mais le sujet, hautement sensible tant il touche à notre pacte social, a fait de la remise des préconisations de Jean-Paul Delevoye, le Haut-commissaire aux retraites, un événement politique et médiatique. Après 18 mois de concertation, les grandes lignes du rapport portant la création d’un régime universel de retraites sont désormais connues. Elles doivent servir de base à l’élaboration de la loi programmée pour 2020. L’idée d’une « réforme globale » est revendiquée de longue date par la CFDT. Et selon Laurent Berger, il y a là « un certain nombre d’avancées en faveur d’un système plus redistributif et plus lisible. Ce rapport est avant tout la preuve qu’il est possible de construire une réforme d’ampleur tout en confortant la répartition et la solidarité ». Un temps évoqué par le Gouvernement, l’idée d’instaurer des économies sur les retraites dans le cadre du budget 2020, a pour l’heure été écartée par le gouvernement, la CFDT en ayant fait une ligne rouge. Mais cet abandon devra être confirmé à la rentrée.
Un nouveau système universel qui doit entrer en vigueur en 2025
Le dispositif, qui doit entrer en vigueur en 2025 pour les personnes nées à partir du 1er janvier 1963, sera un système universel. Les mêmes règles s’appliqueront donc à tous les actifs (salariés du privé, fonctionnaires, indépendants…) avec un montant de pension calculé sur l’ensemble de la carrière et non plus sur les 25 meilleures années pour les salariés ou les 6 derniers mois pour les agents de la fonction publique. Autre spécificité, les droits acquis seront indexés sur les salaires et non plus sur l’inflation, comme c’est le cas aujourd’hui. « C’était une demande de la CFDT, qui permet de rendre le système plus fiable pour les cotisants », résume Frédéric Sève, secrétaire national en charge du dossier. Une fois à la retraite, les intéressés percevront des pensions qui resteront, elles, indexées sur l’inflation, alors que la CFDT souhaitait que l’indexation des pensions prenne elle aussi les salaires pour référence. « Par ailleurs, il va falloir rapidement préciser le processus de transition entre les deux systèmes, et de garantie des droits acquis. Les actifs ne doivent pas faire les frais de la réforme ». L’hypothèse d’une période de 15 ans a été avancée, et fera l’objet des discussions avec l’exécutif.
Un âge d’équilibre… et un point de crispation pour la CFDT !
C’est le principal point de crispation des organisations syndicales. Si l’âge de départ légal reste fixé à 62 ans, le rapport préconise un « âge d’équilibre », pour partir à la retraite, fixé à 64 ans dès 2025. En somme, un nouvel âge de départ « à taux plein » uniforme, assorti d’une décote pour ceux qui décideraient de partir avant, et d’une surcote pour ceux qui prolongeraient leur période d’activité professionnelle. « Créer un âge pivot unique est injuste et injustifié. Si l’on rentre dans un système universel qui donne plus de lisibilité à chacun, l’âge de départ doit être adapté à la réalité de carrière de chacun et évoluer en fonction des situations individuelles » a réagi Laurent Berger. A noter toutefois qu’à la demande de la CFDT, le dispositif de carrières longues qui permet de partir plus tôt sera maintenu, sans application de décote-surcote pour les actifs concernés. Dans la nouvelle phase de concertation qui s’ouvre, il s’agira aussi de pousser deux revendications phares. D’abord, « une prise en compte complète de la pénibilité des métiers avec une application d’un dispositif commun et amélioré pour les agents comme pour les salariés. La simple extension du compte professionnel de prévention (*C2P) ne saurait suffire, il doit être repensé pour ne pas conduire à des injustices sociales ». Ensuite, l’aménagement des fins de carrière via le développement de la retraite progressive doit être posé. « C’est une revendication partagée par une très large majorité de salariés, dont les 120 000 répondants de l’enquête Parlons travail. Car on ne travaille pas de la même manière à 60 ans qu’à 30 ans, » a rappelé Frédéric Sève.
Des éléments de solidarité insuffisants
Les périodes de chômage indemnisé, maternité, invalidité et maladie donneront droit à des points de solidarité financés par l’impôt. Le rapport propose également de majorer les pensions de 5% par enfant dès le premier enfant, contre 10% actuellement à partir de 3 enfants. Cette majoration, qui pourra être partagée entre les deux parents, sera à défaut attribuée à la mère, « les femmes devant être les principales bénéficiaires des mesures de solidarité liées aux droits familiaux », précise le Haut-commissaire. Une demande CFDT partiellement entendue, mais dont le caractère retenu (majoration proportionnelle aux revenus plutôt que forfaitaire) ne permet pas d’aller dans le sens de plus de justice sociale. Qu’en est-il des basses pensions ? Le rapport propose de garantir un minimum de retraite égal à 85% du smic net pour une carrière complète, contre 81% actuellement (et 75% pour les agriculteurs). Insuffisant pour la CFDT, qui réclame un « effort soutenu pour répondre aux inégalités et aux discriminations qui persistent sur le marché du travail, notamment en défaveur des femmes, » juge Frédéric Sève. Pour cela, la CFDT demande que le minimum d’une pension complète soit équivalent à 100% du smic.
L’exécutif face à ses responsabilités
La balle est désormais dans le camp de l’exécutif, que « nous souhaitons voir s’inscrire dans la même démarche d’écoute et de construction que celle qui a prévalu avec le Haut-commissaire, » exprimait Laurent Berger. Alors que d’autres organisations syndicales appellent déjà à des mobilisations à la rentrée, la CFDT, quant à elle, a fait le choix de la concertation. « Il en est du devenir de notre système de retraite et à plus long terme du devenir de notre système de solidarité, et de notre capacité à faire évoluer notre système de protection sociale pour qu’il soit plus juste et plus solidaire ». Dès la semaine prochaine, des rencontres bilatérales commenceront avec l’exécutif, avant une multilatérale fin août avec le Premier ministre.
‘(*) Quelles que soient la taille et la nature de ses activités, toute entreprise doit prévenir la pénibilité au travail et établir une déclaration lorsqu’un salarié est exposé à un ou plusieurs facteurs de risques au-delà des seuils prévus. Le salarié bénéficie alors d’un compte professionnel de prévention (C2P) sur lequel il accumule des points en fonction des risques encourus et de son âge.