Le syndicat CFDT-MAE salue l’initiative prise par Alain Juppé et Hubert Védrine. Dans une tribune accordée en exclusivité au Monde, les deux anciens ministres des affaires étrangères s’alarment des conséquences pour la France de la réduction “sans précédent” du budget du Quai d’Orsay.
Dans une tribune accordée en exclusivité au Monde, les anciens ministres des affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine, s’alarment des conséquences pour la France de la réduction “sans précédent” du budget du Quai d’Orsay.
Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels. Le budget du ministère des affaires étrangères a toujours été très réduit : de l’ordre de 1,2 % à 1,3 % du budget de l’Etat les meilleures années. Encore faudrait-il en déduire les sommes destinées à des organisations internationales, qui ne font que transiter par ce budget. Le rapport investissement-efficacité de ce petit budget est remarquable: représentations permanentes, ambassades, consulats, lycées, écoles, centres culturels, programmes d’aide et de coopération.
Or, en vingt-cinq ans, le ministère des affaires étrangères a déjà été amputé de plus de 20% de ses moyens financiers ainsi qu’en personnels. Tous les ministères doivent évidemment contribuer à la réduction des dépenses publiques, mais aucune administration n’a été réduite dans ces proportions. Cela s’explique en partie parce que les préjugés sont nombreux et tenaces contre “les diplomates” (pourtant rémunérés selon les mêmes grilles que l’ensemble de la fonction publique), et que le métier diplomatique est rarement expliqué alors qu’il est indispensable à la défense des intérêts de notre pays.
Cet affaiblissement disproportionné va encore s’aggraver du fait d’une revue générale des politiques publiques aveugle, qui souvent supprime d’une façon rigide ce qu’il faudrait absolument garder. De plus, le ministère des affaires étrangères va devoir encore, jusqu’en 2013, supprimer trois emplois sur quatre départs en retraite, soit plus que la règle générale d’un sur deux. Les économies ainsi réalisées sont marginales. En revanche, l’effet est dévastateur : l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte.
Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d’interlocuteurs qu’il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d’information et d’analyse. Les autres ministères présents à l’étranger (finances, défense) sont essentiels aussi et ont leur fonction propre. Le rôle du Quai d’Orsay est de rendre cohérentes toutes les formes de notre présence, ce qui est la clé de notre influence.
Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique: les effectifs du département d’Etat américain augmentent de 4 % à 5 % par an. Ceux du Foreign Office sont désormais supérieurs aux nôtres. Les pays émergents, pour leur part, construisent et consolident rapidement leur réseau: le Brésil, sous le président Lula, a ainsi ouvert une trentaine d’ambassades. Le service diplomatique européen, auquel nous devrons en plus fournir des diplomates pour assurer notre influence en son sein, ne remplira pas la même fonction. Il faut adapter l’appareil diplomatique, comme l’Etat tout entier, mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles.