Le référent déontologue, créé par l’arrêté du 4 septembre 2017 du MEAE, a rencontré les représentants syndicaux le 12 octobre dernier. Il était accompagné de représentants des affaires juridiques internes (SDAJI) et des ressources humaines (RH1 et RH1D). La CFDT-MAE était représentée par Anne Colomb, Denise Dariosecq, Katya Lhuillier et Thierry Franquin.
- Un contexte politico-social favorable
Le contexte politico-social est marqué par un renforcement de l’attention des citoyens sur des sujets tels que la transparence, la lutte contre la corruption, un renforcement de l’intérêt pour la déontologie dans la vie économique et l’action publique. Lors de la présidence précédente, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires [1] a été publiée. Dans le même mouvement, a suivi la loi dite « Sapin 2 » [2], qui prévoit notamment des dispositions relatives à la protection des lanceurs d’alerte.
Face à cette attente, le gouvernement répond depuis plusieurs années par une législation qui vise à renforcer la confiance dans l’action publique, le rôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) [3] et le champ d’application de l’obligation déclarative. Le référent déontologue, prévu par l’article 28 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires [4], tel que prévu dans la fonction publique, a été institué au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères par l’arrêté du 4 septembre 2017 relatif au référent déontologue du ministère des affaires étrangères.
- Des missions étendues
La nomination du référent déontologue a pour but la prévention dans le domaine qui n’est pas du « droit dur » mais résulte très largement des bons usages qu’est la déontologie, et dans lequel il conseille les agents qui en font la demande. Le ministère a été pionnier en la matière puisqu’en 2006 il s’est doté d’un comité d’éthique, mis en place par un ministre qui était médecin [5], profession qui a très tôt formalisé un code de déontologie. Une des missions du référent déontologue consistera d’ailleurs en la mise à jour du guide de déontologie.
La mission du référent déontologue, au demeurant déjà saisi par des agents, comporte trois volets :
1/ Le volet déontologie
– il consiste à conseiller tous les agents qui en font la demande, ce qui constitue une innovation par rapport au périmètre d’intervention des déontologues précédents, et promouvoir la déontologie au sein du ministère ;
– à poursuivre la réflexion doctrinale et à promouvoir la culture de la déontologie Les directeurs et les ambassadeurs doivent s’emparer du sujet, qui présente des dimensions dans leurs domaines de compétences.
Le référent sera assisté d’un collège de bénévoles, alliant la connaissance du ministère, la matière pénale et garant de la continuité des travaux, constitué de trois personnes ressources : une précédente déontologue (ancienne directrice des affaires juridiques et ex-DRH), un magistrat judiciaire, et un ancien ambassadeur en fonctions dans une autre administration.
2/ Le volet « laïcité »
Il consiste à intervenir dans le cadre de la mise en œuvre au Département de la circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique. Cette circulaire prévoit la possibilité que les fonctions de référent « laïcité » soient confiées au référent déontologue [6].
3/ Le volet « Sapin 2 », à compter du 1er janvier 2018
Ce volet consiste en un recueil des signalements qui peuvent être émis par des lanceurs d’alerte. Ces signalements sont couverts par la confidentialité. A cet effet, en liaison avec la direction des systèmes d’information (DSI), il s’agit d’élaborer un lien où les conditions à respecter, pour qu’une alerte soit recevable, seront expliqués de telle manière que le lanceur d’alerte soit informé des risques, d’ordre pénal et/ou disciplinaire auxquels il s’expose s’il les méconnaît. Il s’agit dans cette procédure de protéger tant l’agent que la personne qui fait l’objet de l’alerte.
La Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) n’a pas encore finalisé la circulaire sur les lanceurs d’alerte. Si l’agent lance une alerte, le processus est enclenché, sachant que l’agent peut décider de passer par la voie judiciaire et/ou médiatique.
4/ Le volet « labellisation » pour ce qui est de l’égalité Femmes/Hommes
Dès lors que le ministère répond aux conditions posées par l’AFNOR (Association Française de NORmalisation) et bénéficiera du label, une cellule d’écoute sera créée et confiée au référent déontologue.
Le déontologue exercera l’ensemble de ses missions également pour l’AEFE (Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger).
Il précise que son rôle n’est pas concurrent de celui des organisations syndicales, dont le rôle d’information, d’intermédiaire et de relais des préoccupations des agents est souligné, et que ces dernières et lui devront travailler ensemble. Il souligne que ses missions sont distinctes de celles de la SDAJI, qui œuvre dans le domaine normatif.
- La CFDT, qui salue la création du référent déontologue, en attend un magistère moral effectif
La CFDT a fait de la déontologie et de l’exemplarité son premier point d’intervention devant le Ministre lors du comité technique ministériel des 28 et 29 juin. Le référent déontologue vient compléter le dispositif mis en place depuis 2006, et la CFDT n’y voit que des avantages.
La large sphère d’intervention du déontologue est à saluer
Le MEAE semble vouloir user de toute sa marge de manœuvre pour définir le champ d’intervention du référent déontologue.
1/ l’indépendance et le niveau d’exercice effectif
En effet, alors que le projet de décret soumis au Conseil commun de la fonction publique (CCFP) le 31 janvier 2017 faisait état de l’indépendance nécessaire à l’exercice de la mission, le décret publié mentionne que le référent est désigné « à un niveau permettant l’exercice effectif de sa mission », la CFDT apprécie en conséquence son positionnement auprès du Secrétaire général du ministère.
2/ la large sphère matérielle
Le périmètre de la mission est défini de manière large dans l’arrêté du 4 septembre 2017. La CFDT veut y voir une volonté de réussir puisque dans le cadre d’un décret élaboré pour les trois fonctions publiques qui laissait une marge de manœuvre aux administrations, on constate que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a mis cette dernière à profit et choisi de « voir grand » et c’est tant mieux.
3/ le large champ du personnel concerné
La CFDT comprend que le champ du personnel concerné est le plus large possible, puisque le référent déontologue peut en effet être saisi par tout agent du ministère : cela veut dire par tout agent de la communauté de travail, quel que soit son statut, ou la nature de son contrat, du ministre plénipotentiaire au recruté local.
Cette avancée est notable, car il faut rappeler qu’à l’époque du comité d’éthique, l’administration avait été réticente à sa saisine par les organisations syndicales, et c’est la présidente du comité, qui, interrogée par la CFDT, avait répondu qu’elle ne voyait pas pourquoi ces dernières ne pourraient pas saisir le comité de questions générales. La porte étant entrouverte par la CFDT, l’administration avait suivi. Il ne manquait plus que la possible saisine par les agents de l’héritier de ce comité, voilà qui est fait, et c’est prometteur.
La CFDT relève également avec intérêt que des signalements pourront être effectués par les agents auprès du référent déontologue (lanceurs d’alerte, à partir du 1er janvier 2018).
- Des interrogations demeurent sur l’effectivité des avancées attendues en matière de déontologie
1/ faire connaître l’institution et diffuser la culture correspondante
En amont, il n’est pas du tout sûr que tout ce qui devrait être porté à la connaissance du déontologue le soit : il s’agit de faire connaître l’institution mais également de diffuser la culture correspondante. Le rôle de la formation annoncée dans la lettre du ministre sera important.
2/ effectivité, publicité et suivi des propositions et des avis
Sur la réflexion sur l’éthique au MEAE et les propositions de nature à en assurer la promotion, et sur les avis que le référent déontologue sera chargé d’émettre : Quelle effectivité compte-t-on leur donner ? Quelle publicité ? Quel suivi ? En matière de dialogue social, quelle concertation formelle/informelle ?
3/ la nécessaire attitude volontariste de la DRH
Même en restant raisonnablement optimiste, on peut s’attendre à la persistance de certains comportements que la déontologie réprouve. La CFDT attend donc de la DRH une attitude volontariste en ce qui concerne les suites concrètes à donner aux situations présentant des risques potentiels ou avérés d’anomalie déontologique.
En effet, pour l’heure, on constate que la parole n’est pas totalement libre et que les agents doivent dans certains cas faire preuve de courage pour signaler les situations anormales, qui, si elles sont comprises par la DRH et analysées comme telles, ne sont pas suffisamment gérées vis-à-vis de ces agents, notamment en termes de retour quant au soutien que doit opérer la DRH.
En conclusion, la CFDT attend une véritable volonté politique de voir la réussite du nouvel acteur, dont on attend un magistère moral effectif.
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[1] Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
[2] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
[3] La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est une autorité administrative indépendante française créée par la loi relative à la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013 en remplacement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. La Haute Autorité est chargée de recevoir, contrôler, avec l’administration fiscale, et publier les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts de certains élus, membres du gouvernement, collaborateurs et dirigeants d’organismes publics. Elle peut également être consultée par les élus sur des questions de déontologie et de conflit d’intérêts relatifs à l’exercice de leur fonction et émettre des recommandations à la demande du Premier ministre ou de sa propre initiative.
[4] Issu de l’article 11 V de la loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
[5] Philippe Douste-Blazy.
[6] « Selon les spécificités des missions et l’organisation de chaque administration, les conseils en la matière pourront être apportés soit par un correspondant ou un référent «laïcité» dédié, soit par le référent déontologue créé par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. »