Toute anomalie dans les relations de travail ne relève pas du harcèlement moral, d’où l’importance de bien distinguer les différents niveaux de nuisance que l’on peut subir sur son lieu de travail. En effet la mauvaise gestion des ressources humaines, la maltraitance (ou violence) managériale et le harcèlement moral sont des phénomènes distincts qui appellent des réponses différentes.
I – Ce qui n’est pas du harcèlement
Tout stress n’est pas négatif et ce n’est pas parce que l’on est stressé que l’on est victime de harcèlement. Ce qui est néfaste, c’est l’excès de stress. La mauvaise gestion des ressources humaines est le premier dysfonctionnement auquel on peut être confronté : mauvaises conditions de travail, surcharge de travail et/ou contraintes professionnelles, liées à l’organisation du service ou à des objectifs difficiles à atteindre. Il peut être remédié à ce genre de dysfonctionnement par le dialogue.
La violence (ou maltraitance) managériale est plus grave. Elle se définit par le comportement tyrannique de certains personnels d’encadrement qui font subir une pression terrible à ceux qu’ils dirigent. Ce phénomène est le fait de dirigeants maladroits, dont le comportement aboutit à la désorganisation de l’équipe dont ils ont la charge. Ce genre de management, lorsqu’il n’y est pas porté remède, conduit à la dépression d’épuisement (ou burn-out). Dans tous les cas, la violence managériale signe l’inaptitude à l’encadrement du dirigeant en cause. Une fois le phénomène repéré, il appartient au gestionnaire des ressources humaines de former l’intéressé au management ou de lui donner une affectation dénuée de conséquences en termes de gestion d’une équipe. Si le repos suffit généralement à remettre « l’épuisé » en état, il convient de se poser la question, en cas de violence managériale qui devient systématique, de savoir s’il n’y a pas glissement vers le harcèlement.
II – … et ce qui en est
Définition : le harcèlement moral consiste en des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et la dignité de celui qui le subit, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement est sanctionné. Il constitue une faute professionnelle en droit de la fonction publique (art. 6 de la loi n° 83-634) et en droit du travail. Il constitue aussi un délit (art. 222-33-2 du code pénal). Le harcèlement constitue une discrimination et, s’il survient à l’occasion de l’exercice des fonctions, un risque professionnel contre lequel l’administration doit protéger ses agents.
Dans la moitié des cas, le harcèlement est exercé par un supérieur hiérarchique sur un subordonné. Plus rarement, il s’agit d’un harcèlement d’un collègue à l’encontre d’un autre. Le harcèlement se manifeste à l’occasion d’une réorganisation du service, d’un changement de supérieur hiérarchique, au retour d’un arrêt de travail ou à la suite d’un désaccord. Comment le repérer ? Les ouvrages qui traitent de ce thème donnent une liste d’agissements qui, s’ils se répètent de façon anormale, relèvent du harcèlement moral. Doivent ainsi donner l’alerte les accusations sans fondement, l’isolement, la diminution ou la privation de responsabilités, le dénigrement de la personnalité, les contrôles permanents, les tentatives d’intimidation, et, plus que tout, le refus de communiquer. En effet, le harcèlement moral apparaît comme l’impossibilité de mettre en place un conflit. Le harceleur refuse de considérer sa victime comme un interlocuteur, l’ignore et l’isole de tous ceux qui jusque là la considéraient.
La vigilance s’impose d’autant plus que les risques encourus sont élevés puisque la victime en vient parfois au suicide. Les troubles qui peuvent se manifester sont multiples : angoisse, tachycardie, tremblements, boule oesophagienne, changement d’humeur, irritabilité, atteintes cognitives avec pertes de mémoire, difficultés de concentration, pertes de mémoire, dépression.
III – Comment se faire aider ? Plusieurs interlocuteurs peuvent aider la victime :
– le médecin traitant ou le médecin de prévention peut extraire sans délai la victime de la situation de travail dangereuse en lui délivrant un arrêt de travail. Le médecin de prévention peut en outre alerter l’administration sur la situation de la victime.
– des collègues peuvent signaler la situation à l’administration et donner leur témoignage ;
– l’administration doit prévenir le risque professionnel que constitue le harcèlement, ce qui implique des formations destinées aux agents dont la mission comporte des fonctions d’encadrement ou de gestion des personnels. A l’intérieur de l’administration, et spécialement investies d’une mission d’aide aux agents, se trouvent les assistantes de service social. En outre la DRH a recruté un psychologue qui peut, dans de telles situations, être d’un grand secours ;
– les syndicats ont aussi une aide à apporter, en guidant l’agent dans ses démarches, en alertant la hiérarchie, en orientant vers le médecin de prévention et lorsque tout a échoué, en aidant la victime à saisir le juge.
La constitution d’un dossier est indispensable, car c’est à la personne qui invoque le harcèlement moral d’en prouver l’existence. Il faut donc accumuler les éléments de preuve : lettres, postit, notes internes, attestations des collègues, certificats médicaux attestant d’un état de santé détérioré à la suite de harcèlement. Il convient de conserver les ordonnances médicales qui prouvent une prise de médicaments psychotropes consécutifs à des problèmes vécus sur le lieu de travail. Ainsi que tout document révélant une différence de traitement entre la victime et ses collègues. En conclusion, la victime de harcèlement doit rompre l’isolement dans lequel elle se trouve et demander conseil afin de ne pas laisser une situation irrémédiable s’installer.