Le 12 décembre, M. Barry Delongchamps a présenté aux organisations syndicales son rapport sur les services des visas, qui a été remis au Ministre le 30 novembre. Cette mission, confiée conjointement par le MAE à M. Barry Delongchamps et par le ministère de l’intérieur à M. Fitoussi, avait comme objectif de proposer des solutions pour améliorer l’accueil des demandeurs de visas, dans un contexte de forte augmentation de la demande, notamment dans les pays émergents.
Pour M. Barry Delongchamps, répondre à cette nouvelle exigence de la qualité de l’accueil permettra à la France d’être compétitive sur le marché du voyage qui contribue à l’économie du pays (on estime que le nombre de touristes devrait doubler d’ici 2020). Aujourd’hui, la France délivre en Russie moins de visas de court séjour que l’Espagne ou l’Italie. C’est une anomalie compte tenu de l’attractivité de notre territoire pour les touristes.
M. Barry de Longchamps constate que les effectifs de nos services des visas sont restés stables entre 2006 et 2012 alors que la demande a cru très fortement et que les nouvelles obligations réglementaires ont alourdi la charge de travail (procédures plus complexes notamment en matière de long séjour, biométrie, motivation des refus de visas qui a provoqué une augmentation des recours.).
La mission s’est rendue à Shanghaï, Moscou, Alger, Oran, Londres et Dakar, et a fait les observations suivantes :
– les conditions d’accueil laissent à désirer (plusieurs semaines peuvent être nécessaires pour obtenir un rendez-vous) ;
– la souffrance au travail des agents, soumis à une forte pression, est réelle ;
– les effectifs sont mobilisés à des tâches matérielles en raison notamment de l’inadaptation de l’outil informatique ;
– les prestataires pourraient offrir davantage de capacité d’accueil ;
– il existe un déficit d’animation et de gestion globale, les services des visas étant plus tournés vers la lutte contre l’immigration que vers la qualité de l’accueil du public.
Les recommandations sont les suivantes :
– changer de stratégie pour mettre l’accueil des demandeurs au coeur des préoccupations ;
– ouvrir des chantiers législatifs et réglementaires pour simplifier les procédures ;
– définir une stratégie d’accueil avec des principes communs, adaptés aux différentes catégories de demandeurs (par exemple, les demandeurs de droit -immigration familiale- devraient faire l’objet d’un traitement différent des demandeurs de visas de tourisme) ;
– flécher partiellement les redevances visas vers le budget du MAE (la mission estime qu’en 2012, les recettes visas ont atteint 116 millions d’euros et que le bénéfice pour le Trésor Public, une fois déduits le coût des services des visas, s’élève à 74 millions d’euros) ;
– confier à des sociétés indépendantes des enquêtes de satisfaction auprès des usagers ;
– définir une nouvelle architecture informatique (par recours à une agence ou aux services informatiques des deux ministères) pour permettre de dématérialiser les procédures de recueil et de classement ;
– pour la prise des empreintes biométriques, se rapprocher du demandeur par des centres d’accueil qui peuvent être consulaires ou externalisés;
– s’associer à la réflexion européenne (notamment au groupe « frontières intelligentes »);
– uniformiser les pratiques d’un poste à l’autre dans le traitement des dossiers et de l’accueil (concernant la comparution par exemple).
En matière d’effectifs, la mission ne fait pas de proposition concrète. La création de 75 emplois sur 3 ans est une bonne chose mais ne permettra pas de répondre aux difficultés.
La CFDT-MAE trouve ces propositions intéressantes (il est nécessaire de simplifier les procédures d’instruction des demandes de visa) et très ambitieuses. Néanmoins, elles soulèvent les observations suivantes :
– si ces propositions sont retenues par l’administration, elles seront longues à mettre en place et la situation dans les services des visas est déjà explosive. Quelle solution apporter aux collègues qui aujourd’hui n’arrivent plus à faire face ?
– la mission fait le constat d’une qualité insuffisante de l’accueil dans certains postes (Alger, Shanghaï) où le recueil des demandes de visas a été externalisé précisément pour pallier le manque de moyens des postes. Comment une telle situation est-elle possible ?
– comment articuler la dématérialisation des procédures et la lutte contre la fraude ? Eloigner l’usager des services consulaires rendra nécessairement plus difficile la lutte contre la fraude.
– dans certains pays, la mise en place d’une procédure dématérialisée (paiement et renseignement du formulaire en ligne) se heurtera aux difficultés d’accès des demandeurs à internet et à l’incapacité de certaines personnes, notamment âgées ou analphabètes, à remplir un formulaire seules.
M. Barry Delongchamps apporte les réponses suivantes :
– l’échéance la plus longue (refonte de l’architecture informatique) est de trois ans. Mais il est possible d’améliorer rapidement l’efficacité des services des visas (instructions de certaines demandes par les services centraux à Nantes, délégation de signatures accordée aux recrutés locaux de nationalité française, délivrance de visas de circulation de longue durée, meilleure gestion des interventions) ;
– pour pallier les insuffisances des centres d’accueil externalisés, il suffit que les postes demandent aux prestataires d’élargir leur offre ;
– pour les demandeurs qui ne pourraient pas payer ou remplir un formulaire en ligne, des centres d’accueil, consulaires ou externalisés, devront être prévus ;
– l’idée que la lutte contre la fraude est incompatible avec la dématérialisation relève d’une vision républicaine qui fait que tous les dossiers doivent être traités de la même façon. Or, l’attention devrait se focaliser sur les 10 à 15% des dossiers qui présentent des risques. Un profilage statistique permettrait de les identifier, même sans comparution du demandeur.
L’avis de la CFDT-MAE
L’outil informatique pourrait permettre de simplifier considérablement le travail de nos collègues des services des visas, qui est aujourd’hui alourdi par les doubles saisies et les manipulations incessantes des dossiers papier, et par conséquence d’améliorer le service rendu aux usagers.
Parallèlement, des chantiers réglementaires et législatifs devront être ouverts pour permettre cette simplification. Les objectifs sont très ambitieux et l’administration devra identifier les sujets sur lesquels elle peut avancer vite et seule, c’est-à-dire sans conséquence sur l’application du code communautaire visa.
L’obstacle principal à la mise en ouvre de ces objectifs reste la question des moyens. M. Barry Delongchamps ne nous a pas donné d’évaluation chiffrée mais il est certain que la facture sera élevée et que l’amélioration du service public a un coût, qu’il faut décider d’assumer. L’externalisation n’a été qu’un pansement sur une jambe de bois, qui a permis d’absorber rapidement une demande supplémentaire mais qui a généré un surcroît de travail dans les postes concernés. La CFDT-MAE espère que l’administration fera le choix d’un investissement massif dans la modernisation du fonctionnement de nos services des visas, qui représente une voie alternative à l’externalisation.
Néanmoins, l’informatique ne peut pas être la solution miracle. On voit bien que dans certains pays, un dispositif de proximité, permettant l’accueil du demandeur, devra être maintenu. La question des moyens humains et de notre présence consulaire reste donc centrale.