La CFDT regrette qu’au moment où l’on nous annonce deux ou trois tours de vis supplémentaires (RGPP2 + collectif budgétaire) avec leur lot de suppressions de postes et de licenciements et au moment où le Parlement débat du projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat, notre ministre conçoive le dialogue social sur le mode tasse de thé et n’ait pas une demi-heure à nous consacrer pour une réunion de travail sur les thèmes qu’il avait au demeurant lui-même identifiés.
Rififi aux affaires étrangères
Menace de paralysie progressive du ministère, absurdité du plan d’austérité, démantèlement du réseau diplomatique : un ministre a décidé de monter au créneau. Parallèlement, des agents diplomatiques et consulaires se mobilisent par la grève au moment de la conférence des ambassadeurs.
Politique fiction ? Pas du tout. Il existe en effet des agents qui ont la chance d’avoir un vrai ministre. On n’ose espérer que le nôtre sache écouter les voix qui partout s’élèvent pour le presser de se rendre compte qu’en ces temps difficiles, notre MAEE a davantage besoin d’actes concrets de défense et d’illustration que de creux discours publicitaires sur la nouvelle diplomatie culturelle industrielle et commerciale.
Dépêche AFP – ROME, 26 juil 2010
Les diplomates italiens en poste à Rome et dans le monde ont fait grève lundi pour protester contre les coupes budgétaires imposées à leur ministère par le plan d’austérité du gouvernement de Silvio Berlusconi, accusé de “démanteler” la diplomatie transalpine.
Le mouvement a touché aussi bien la Farnesina, siège du ministère des Affaires étrangères à Rome, que “les 325 représentations italiennes à l’étranger (ambassades, consulats, représentations permanentes et instituts culturels)”, a indiqué le Sindame, principal syndicat des fonctionnaires du ministère, précisant que 90% de ses adhérents avaient suivi le mouvement.
“Il s’agit d’une adhésion massive”, a souligné la présidente du Sindame, Cristina Ravaglia, précisant que “des ambassades entières, comme celle de Berlin, sont restées fermées”.
La grève a été organisée à la veille de la conférence des ambassadeurs italiens mardi et mercredi à la Farnesina, mais aussi le jour même où le ministre des Affaires étrangères Franco Frattini se trouvait à Bruxelles pour le lancement du service diplomatique de l’Union européenne, un nouvel instrument qui inquiète nombre de chancelleries nationales.
Pour le syndicat, “le démantèlement de la Farnesina découlant des coupes dans les ressources nécessaires au fonctionnement du ministère, prévues par le plan d’austérité, déclenchera un processus qui pourrait bientôt mettre l’Italie sur la touche”.
Le plan d’austérité de 24,9 milliards d’euros prévoit notamment un gel de trois ans des salaires des fonctionnaires et une réduction de 10% des budgets des ministères.
Dans une lettre adressée la semaine dernière à MM. Berlusconi et Frattini ainsi qu’au ministre de l’Economie Giulio Tremonti, le gotha de la diplomatie italienne a exprimé ses craintes face “à la progressive paralysie fonctionnelle” du ministère.
M. Frattini a lui-même déclaré avoir “vu des règles absurdes” dans le texte du gouvernement, citant par exemple les avancements de carrière sans augmentation de salaire.
Le plan d’austérité doit permettre à Rome de ramener le déficit public à 2,7% du PIB en 2012 contre 5,3% en 2009 afin de rassurer les marchés alors que l’Italie affiche l’une des dettes publiques les plus élevées du monde, qui devrait représenter 118,4% du PIB cette année.
Contes et mécomptes de Bernard Kouchner
Quai d’Orsay : à bout de souffle ?
Auteur du livre-enquête «Les Diplomates, derrière la façade des ambassades de France», le journaliste Franck Renaud revient sur la tribune publiée dans Le Monde par Alain Juppé et Hubert Védrine qui s’inquiètent de l’affaiblissement de la diplomatie française.
Quand le « Quai » tangue
“Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay !”
Le syndicat CFDT-MAE salue l’initiative prise par Alain Juppé et Hubert Védrine. Dans une tribune accordée en exclusivité au Monde, les deux anciens ministres des affaires étrangères s’alarment des conséquences pour la France de la réduction “sans précédent” du budget du Quai d’Orsay.
Dans une tribune accordée en exclusivité au Monde, les anciens ministres des affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine, s’alarment des conséquences pour la France de la réduction “sans précédent” du budget du Quai d’Orsay.
Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels. Le budget du ministère des affaires étrangères a toujours été très réduit : de l’ordre de 1,2 % à 1,3 % du budget de l’Etat les meilleures années. Encore faudrait-il en déduire les sommes destinées à des organisations internationales, qui ne font que transiter par ce budget. Le rapport investissement-efficacité de ce petit budget est remarquable: représentations permanentes, ambassades, consulats, lycées, écoles, centres culturels, programmes d’aide et de coopération.
Or, en vingt-cinq ans, le ministère des affaires étrangères a déjà été amputé de plus de 20% de ses moyens financiers ainsi qu’en personnels. Tous les ministères doivent évidemment contribuer à la réduction des dépenses publiques, mais aucune administration n’a été réduite dans ces proportions. Cela s’explique en partie parce que les préjugés sont nombreux et tenaces contre “les diplomates” (pourtant rémunérés selon les mêmes grilles que l’ensemble de la fonction publique), et que le métier diplomatique est rarement expliqué alors qu’il est indispensable à la défense des intérêts de notre pays.
Cet affaiblissement disproportionné va encore s’aggraver du fait d’une revue générale des politiques publiques aveugle, qui souvent supprime d’une façon rigide ce qu’il faudrait absolument garder. De plus, le ministère des affaires étrangères va devoir encore, jusqu’en 2013, supprimer trois emplois sur quatre départs en retraite, soit plus que la règle générale d’un sur deux. Les économies ainsi réalisées sont marginales. En revanche, l’effet est dévastateur : l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte.
Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d’interlocuteurs qu’il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d’information et d’analyse. Les autres ministères présents à l’étranger (finances, défense) sont essentiels aussi et ont leur fonction propre. Le rôle du Quai d’Orsay est de rendre cohérentes toutes les formes de notre présence, ce qui est la clé de notre influence.
Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique: les effectifs du département d’Etat américain augmentent de 4 % à 5 % par an. Ceux du Foreign Office sont désormais supérieurs aux nôtres. Les pays émergents, pour leur part, construisent et consolident rapidement leur réseau: le Brésil, sous le président Lula, a ainsi ouvert une trentaine d’ambassades. Le service diplomatique européen, auquel nous devrons en plus fournir des diplomates pour assurer notre influence en son sein, ne remplira pas la même fonction. Il faut adapter l’appareil diplomatique, comme l’Etat tout entier, mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles.