Le langage est l’outil de la pensée… nul besoin d’avoir lu Lacan ou Orwell pour constater qu’une novlangue étoffée habille le discours de nos hiérarchies depuis plusieurs décennies, quelle qu’en soit d’ailleurs l’orientation idéologique. L’axe en est clair : « imprimer » des idées simples à partir de mots choisis pour en retourner la perception. Il y avait ainsi les « cotisations » sociales devenues « charges », les agents de « droit » local, qui n’en n’ont en fait (presque) aucun, les « contraintes budgétaires » qui remplacent les « réductions de crédits », voici désormais « l’empreinte ETP ».
Le terme vient d’apparaître dans le procès-verbal de la dernière Commission consultative paritaire de Washington qui évoque « la volonté de réduire l’empreinte ETP du ministère des Affaires étrangères » sur le réseau nord-américain pour la période 2013-2015.
Le terme fait « pro », « branché », décomplexé… mais complexant : la notion d’empreinte, dans l’air du temps, est celle de l’empreinte-carbone : on gêne, on marque, on pèse sur la planète… Le fonctionnaire grève de son lourd brodequin le budget de la nation. Il convient de lui en faire admettre l’idée pour faire passer comme coulant de source, les allègements qui ne manqueront pas de suivre. Voici donc la ressource humaine placée sur le même plan que les déchets non recyclables, les particules fines ou les graisses saturées.
Quand devrons-nous nous excuser devant la collectivité d’avoir encore l’outrecuidance de vouloir la servir ?