5 décembre 2013
Le directeur des services informatiques et la responsable du projet présentent le portail Diplomatie aux organisations syndicales. La CFDT est représentée par Jacqueline Dessalles et Nadine Monchau. Il s’agit d’une commande du secrétaire général, en juillet 2011 car, suite au déploiement de SCHUMAN en 2010 de nombreuses difficultés se sont présentées :
– Faible pénétration en interministériel suite à des problèmes de communication et de diffusion. Par exemple, il n’existe que deux stations dédiées à SCHUMAN au ministère de l’Économie et des finances ; de ce fait les Mission économiques refusaient d’utiliser ce logiciel ;
– Insatisfaction des agents utilisateurs : jusqu’à 45 mn pour le démarrage du logiciel et le téléchargement des télégrammes, problème d’ergonomie, conception sécurité très stricte, adressage lourd posant problème en cas d’erreur ou d’oubli, ce qui n’existait pas avec SARTRE, le précédent logiciel, qui permettait à DSI, sur demande du concepteur du télégramme, de compléter la liste des destinataires ;
– Conséquence directe de la lourdeur de l’adressage, les sigles de SCHUMAN sont devenus inopérants ;
– Au moment où le MAE déployait SCHUMAN, se développaient des outils de mobilité tels que les tablettes et les téléphones portables, outils mobiles qui n’existaient pas au ministère ou en poste. A titre d’exemple lors d’une réunion d’ambassadeurs, seul l’ambassadeur de France devait retourner au bureau pour faire son compte rendu de réunion ;
– Problème de la volumétrie : toujours trop de papier ;
– La généralisation des messages électroniques depuis 1995 en a fait un outil utilisé quotidiennement et qui génère environ 40 millions de messages par an sans qu’un seul de ces messages ne soit archivé ;
– Lorsque la messagerie personnelle est utilisée, qui parle ? L’agent ? Le service ?
– Une étude a permis d’établir qu’un agent passe au moins trois heures par jour sur ses e-mails, et seulement 10 mn avec un collaborateur (niveau direction / sous-direction).
La demande du secrétaire général portait sur une application :
– qui permette la priorisation des informations et leur hiérarchisation ;
– interministérielle, contrairement à SCHUMAN et à la messagerie MAE ; la seule application interministérielle actuelle étant CHORUS pour la comptabilité ; – correspondant à un métier « cœur de l’Etat » : « DIPLOMATIE » ;
– ouverte à des personnes extérieures au ministère ; le MAE perd de son influence interministérielle, reconquête de l’aura du MAE, notamment autour de l’ambassadeur ;
– en mobilité complète ;
– répondant à une forte demande des agents pour le télétravail [point qui reste à vérifier et à discuter, ndr].
Le conseil de direction a présenté le projet « DIPLOMATIE » en novembre 2011 pour répondre à l’ensemble de ces demandes avec les techniques modernes de communication et permettant au MAE de reprendre le rôle principal. L’application sera en mode « web » sur le type de technologie de Facebook, de réseau social, qui répond à ce qu’on attend des diplomates dont le cœur de métier est le réseau. Elle permettra d’unifier l’ensemble des flux et des documents destinés à l’interministériel. DIPLOMATIE va remplacer SCHUMAN, capter les flux documentaires générés par Outlook, qui ne sont pas sécurisés, pour faire partager la richesse du contenu de ces e-mails et permettre de récupérer des documents en .doc sur Word, des notes et dépêches des postes, les archiver et former une bibliothèque documentaire accessible à tous de type « Google ».
S’organiser pour s’ouvrir aux agents et à l’interministériel
Sur le plan technologique l’organisation doit porter sur des « communautés » et sur des groupes fonctionnels (SG, DGA, DIS, etc.) Il y aura bien un groupe « syndicats » mais la question se pose de savoir s’il s’agit de l’ensemble des syndicats ou bien s’il y aura un groupe par syndicat.
De nouvelles méthodes de travail
L’enrôlement dans les groupes fonctionnels se fera en fonction de la direction dont l’agent fait partie. La position de l’agent dans le portail dépend de son rattachement à une hiérarchie. Chaque agent pourra s’organiser et accéder à la correspondance diplomatique, il aura la liberté de son « besoin de connaître et de partager » en adhérant à des communautés d’intérêts, d’information et de partage, ce qui répond aux besoins d’expertises et de compétences. Tout ce qui sera publié sur « DIPLOMATIE » le sera au nom du groupe fonctionnel, les agents extérieurs ne produisent pas de courrier et donc ne peuvent pas signer.
Enrôlement et exclusion
Aujourd’hui seul l’État produit de la correspondance diplomatique. Les personnes extérieures enrôlées dans DIPLOMATIE le seront pour leur expertise dans une communauté. Elles ne pourront pas produire mais seulement participer. Seul le secrétaire général peut décider de l’enrôlement ou de l’exclusion d’une personne. Actuellement sur 30.000 utilisateurs, 15.000 sont agents du MAE, 5.000 sont agents d’autres ministères et 10.000 sont des personnes extérieures. Chaque groupe sera dirigé par un directeur de communauté qui enrôlera et exclura (2ème conseiller pour une ambassade ou directeur adjoint pour l’administration centrale). Les droits seront accordés pour une année, les agents qui ne participeront pas seront exclus. L’affichage de la transition numérique de l’État se fera par l’exemple du MAE avec ce projet et renverra une bonne image sur le travail technologique entrepris et mené à bien. DIPLOMATIE entraînera un changement de mentalité pour les fonctionnaires, dont la priorité sera le partage de la richesse de l’information, ce qui sera plus motivant pour les agents. Plus le diplomate écrit, moins il est lu, donc l’accès à DIPLOMATIE lui permettra de communiquer largement, d’autant que tous les autres diplomates utilisent des technologies modernes pour la circulation de l’information, à l’exclusion de la France. DIPLOMATIE, ce sera donc plus d’ouverture sur l’extérieur.Le MAE augmentera son lectorat, et gagnera en influence.
Archives et documentation
ARCHIBAL va fermer, un module d’archivage est intégré dans DIPLOMATIE. Tout document sera signé électroniquement puis traité et archivé par les agents du CAD. Ce sera un travail en ligne, le transfert des documents se fait de base à base. La question se pose toutefois pour les postes allégés, c’est-à-dire sans CAD, et pour l’avenir de la valise diplomatique qui devrait disparaître, sauf dans certains postes. Des formations avec les agents de CAD seront mises en place dès janvier 2014. Actuellement il y a plus de 1.000 TD par jour, avec DIPLOMATIE on va tendre vers 50 TD par jour, les autres informations vont basculer en notes ou en courriels ce qui entraînera des modifications des modes actuels de travail et une optimisation de ce travail.
Intervention du secrétaire général
DIPLOMATIE est un projet important pour le MAE, malgré un scepticisme de départ. Notre système actuel, trop ancien et pas adaptable, devient rapidement obsolète et la nécessité de modernisation technique et technologique s’impose. La volumétrie est trop importante, il y a trop de messages et le tri devient impossible. Les technologies utilisées à titre personnel sont très souples par opposition à la lourdeur des programmes et des instruments de bureau. Il est nécessaire de développer des outils pour un bon fonctionnement de notre administration : circulation de l’information, croisement des analyses, mode participatif dans les échanges et les contributions aux informations. Cela aura des conséquences en terme de mobilité des agents (travail à distance ? télétravail ? équilibre à trouver entre travail et vie privée pour éviter des effets pervers) et de réorganisation du travail collectif. Dans la mesure où la mise en place de ce système a vocation interministérielle, elle donnera au MAE un rôle de chef de file.
Commentaire: comme elle s’y était engagée lors du dernier comité technique ministériel, l’administration a fourni beaucoup d’explications utiles aux organisations syndicales lors de cette réunion de concertation. Cependant trois questions doivent encore être discutées :
– Les outils de mobilité sont-ils des vecteurs d’émancipation pour les agents ou un fil à la patte qui les obligera à multiplier les heures de travail à domicile, donc non prises en compte ? Comme le dit fort justement le secrétaire général, l’équilibre reste à trouver entre vie personnelle et vie professionnelle.
– Quelle place l’administration est-elle prête à ménager aux organisations syndicales dans ce nouvel espace de travail et d’échanges ? La notion de communauté devrait a priori correspondre au fonctionnement des syndicats, basé sur le travail collectif.
– Quel accompagnement la DRH compte-t-elle mettre en place en matière de prévention des risques psycho-sociaux ? Comme nous l’avons souligné lors du dernier comité technique ministériel, la modification radicale des méthodes de travail que l’on nous annonce – la CFDT ne conteste pas le bien fondé de ce changement – produira nécessairement de l’anxiété, qu’il faudra prévoir et gérer.