Au moment où nos autorités semblent très temporairement temporiser sur le rythme et le calendrier de la réforme de l’Etat à laquelle nous sommes manifestement promis, il est peut-être utile de rappeler quelques vérités. L’histoire récente de notre ministère regorge en effet d’exemples très concrets de réformes où les logiques budgétaires et technocratiques à très court terme l’ont très largement emporté sur les missions diplomatiques, consulaires, et de coopération. Et donc sur l’intérêt même de notre pays.
- Une comédie bien rodée
Cette verticalité jacobine n’est pas nouvelle, notre ministère en sait quelque chose, mais elle s’est affinée depuis quelques années, selon une scénographie qui s’apparente à une comédie bien rodée :
– Acte I : on enlève les moyens en affirmant que les missions seront mécaniquement réduites à due proportion ;
– Acte II : les missions demeurent pour la plupart, bien évidemment ;
– Acte III : on officialise graduellement et subrepticement le rétablissement de ces missions mais pas les moyens, tout en alléguant de façon pavlovienne les miracles garantis du numérique et du pilotage en mode start-up.
Baisser de rideau. Applaudissements.
- Les faux-semblants de cette comédie
Seulement voilà, les faux-semblants de cette comédie n’ont strictement rien de divertissant. On l’a déjà vu dans un passé récent avec l’avènement des fameux Consulats d’influence (PGS), précisément dépouillés de moyens d’influence. On le voit aujourd’hui avec les postes de présence diplomatique (PPD), qui en réalité se sont vu retirer les moyens de présence. On le verra demain avec le réseau DGM, dont le tour de variable d’ajustement est apparemment venu.
- Notre réseau va-t-il devenir un club diplomatique mondain ?
Il faut le dire et le redire : décimé par les coups de rabot en ETP et masse salariale, réduit à mendier du sponsoring, mité par l’externalisation et le numérique consulaire, notre réseau court désormais le risque de devenir au mieux une tour de contrôle sans fenêtres, au pire un club diplomatique mondain aussi aimable qu’impuissant. A l’affût, le monde des start-up attend son heure, de moins en moins discrètement (« 72 start-up développent, au sein des ministères, des services publics selon des principes inédits », Le Monde, 24 janvier 2019).
- Demander toujours plus à moins de monde
Dans l’immédiat, l’exigence de mobilisation des effectifs qui ont survécu aux décimations n’a jamais été aussi forte, au nom de ce qu’on appelle généralement « gains de productivité » (lesquels consistent à demander plus à moins de monde à rémunération inchangée). On le constate dans le consulaire de proximité – demeuré, lui, intact, voire en progression – la gestion unifiée sous la houlette des Secrétaires Généraux d’Ambassade (au prix de transferts ridicules d’emplois, les conditions de reprise des missions des Trésoreries ayant donné le la), la mobilisation – toujours plus urgente voire parfois vitale – en matière de démarches, notes et rapports de tout poil, l’organisation des visites ministérielles et présidentielles – là aussi, rien de changé, naturellement – etc.
Est-ce vraiment cela l’avenir des agents et de cette maison ?
Et, surtout, est-ce bien tenable et est-ce bien raisonnable ?