Discours au Ministre – CTM du 5 juin 2020
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Directrices et Directeurs,
Chères et chers collègues,
La crise, dont nous ne sommes pas sortis, va laisser des traces. Le ministère tourne en rond dans des problématiques que l’urgence sanitaire a exacerbées.
La pandémie du Covid-19 a mis en évidence, si besoin en était, le côté vital du service public, qui est là lorsque tout le reste a lâché. On l’a vu dans les domaines de la santé et de l’éducation, on le voit dans les missions régaliennes de ce ministère qui est souvent en première ligne dans la gestion des crises.
L’engagement et la détermination des agents du ministère, vous l’avez souligné, a permis de tenir. Cet engagement a été reconnu et dans bien des cas, ce qui a été accompli relevait, compte tenu de la faiblesse des effectifs, du tour de force. Cela a permis le rapatriement de plus de 190 000 de nos compatriotes et, dans certains pays même, cet effort continue, nous pensons en particulier au Maroc.
Vous venez de l’annoncer dans votre intervention, vous allez mettre en œuvre la reconnaissance du Département, pour tous ceux qui ont été à la manœuvre, tous statuts confondus, financièrement certes, mais pas seulement.
Le 6 avril dernier, nous avons pointé trois sujets de préoccupation : la sécurité et la santé des agents, la misère en moyens humains et matériels, la nécessité de repenser les modes de travail et nous vous remercions des réponses apportées. Aujourd’hui, nous compléterons ces propos par trois problématiques accrues par la crise que nous traversons : le management dysfonctionnel, certaines sorties de PCA hasardeuses et des conditions du travail qui devront être repensées.
- Le management dysfonctionnel et les risques psychosociaux : une bombe à retardement
1- Le management dysfonctionnel n’est toujours pas éradiqué. Or il est à la fois intolérable dans son principe et porteur des plus graves dangers pour la santé des agents et la sécurité des postes.
- Les cas extrêmes
Vous l’avez rappelé, l’administration a maintenu un fil constant avec les organisations syndicales qui peuvent lui relayer les situations, parfois criantes, dont elles sont saisies.
Il n’est pas rare que le cas signalé soit dû au comportement d’un agent notoirement connu depuis plusieurs années pour son passif/déficit managérial. Pourquoi alors l’avoir réaffecté dans des fonctions d’encadrement ?
La tolérance zéro promue, affichée, tant pour ce qui est des différentes formes de harcèlement que des autres formes de violences, n’est pas encore une réalité. On attend dans de pareils cas, lorsque tous les acteurs de prévention sont alertés, une synergie efficace qui aboutira à la cessation des situations inacceptables.
- Les abus caractérisés :
Focus sur le réseau culturel dont certaines situations, relayées notamment par la CFDT auprès de l’administration, ont été corrigées ou sont en cours de l’être.
Le 6 avril, vous avez affirmé un « impératif social » en soulignant que vous seriez vigilant sur les difficultés que pourrait rencontrer le réseau culturel et que vous trouveriez des solutions. Nous avons avec satisfaction pris acte de vos propos.
Par ailleurs, il a bien été affirmé (et mis en œuvre) que la situation sanitaire serait sans incidence financière sur les personnels empêchés de venir sur site.
Des cas signalés dans des établissements à autonomie financière sont en voie de régularisation (à Dakar, par exemple, la prime de transport va être rétablie). Qu’en est-il pour l’Espagne et le Chili ? Vous allez nous trouver soupçonneux, mais nous craignons qu’il y en ait d’autres.
Pire encore, en Egypte, la direction de l’Institut a proposé aux agents (et a fait machine arrière suite à une alerte CFDT) de réduire leurs salaires comme condition préalable pour ne pas licencier d’autres agents.
Bien évidemment, il faut remédier à ces errements, nés d’un management dysfonctionnel.
En effet, en présence de tels comportements, qui méconnaissent vos instructions, comment parler de management bien compris, d’impératif social et de neutralité financière ?
- Au sortir de cette crise, il faudra compter avec cette bombe à retardement psychologique que seront les conséquences des risques psychosociaux exacerbés par la crise sanitaire, et les répercussions d’un intense travail en première ligne durant des semaines.
- Certaines sorties de PCA hasardeuses, aggravées par le manque de personnels et de moyens
- Même si ce n’est certes pas une réalité dans la majorité des postes, force est de constater que nous avons eu à signaler des gestions catastrophiques de la crise, dans les postes qui ont connu des situations décrites précédemment, mais aussi dans ceux où la notion de PCA n’a pas été bien comprise et sa levée conduite en méconnaissance des orientations que vous avez définies.
Le Cameroun est l’exemple même du poste qui conjugue management défaillant et mauvaise gestion de crise : des cas de COVID détectés mais cachés aux agents et le décès d’un agent de recrutement local sans aucun mot de sympathie de la part de la hiérarchie. Par ailleurs, la gestion de la crise sanitaire dans ce pays est loin d’être exemplaire : le poste décide de la sortie du confinement et le retour en présentiel des agents alors que le nombre de cas détectés dans ce pays ne cesse d’augmenter ce qui génère chez les agents angoisse et anxiété.
- Manque de moyens humains et de matériels. Le sujet n’est pas nouveau, la crise n’a fait que le rendre plus criant. Les deux variables se sont conjuguées, aggravant le déficit de ressources.
La diminution constante du nombre d’ETP, en particulier dans les fonctions consulaires et au sein des SGA, nous l’avons maintes fois dénoncée, en vous disant qu’il y a des économies qui coûtent cher et qui sont faites au détriment de la santé des agents. On vous le redit aujourd’hui.
On vous alerte une fois encore sur le sort des agents de catégorie C, vous l’avez dit dans votre intervention, en 1ère ligne, et des agents B « triples casquettes », particulièrement malmenés en cette période de crise. La question d’un binômat systématique sur ces postes, posée avec insistance avant la crise et régulièrement évoquée lors des réunions COVID, n’a toujours pas reçu de réponse.
En outre, on a constaté que tous les personnels en état de travailler à distance, et qui en temps normal sont déjà en nombre insuffisant, n’ont pas eu les moyens de le faire car ils n’étaient pas dotés des outils de mobilités adaptés, ce qui a ainsi privé le ministère et son réseau de ressources dont il avait besoin.
L’utilisation des moyens informatiques personnels des agents n’a pu que compenser, en partie, les faibles dotations des postes en moyens de mobilité et n’a fait qu’aggraver la situation puisque la majorité des agents n’a pu le faire dans des conditions de sécurité informatique satisfaisantes.
- L’organisation et les conditions du travail devront être repensées
Vous venez de parler de leçon : la crise nous aura montré l’importance qui s’attache à gérer la double contrainte de sécurité et de mobilité qui s’est posée avec acuité.
Vous avez annoncé un changement en profondeur de nos méthodes de travail et de notre organisation : le travail à distance est encouragé par le Gouvernement et une véritable politique est mise en place au Département.
Le travail à distance est une des modalités permettant, s’il est bien pratiqué dans le respect du droit à la déconnexion, de favoriser ce que la CFDT-MAE a appelé lors d’un précédent CTM la « concordance des temps » entre vie personnelle et vie professionnelle.
Force est de constater, sur le terrain, que le télétravail est trop souvent l’occasion de rendre floue voire de faire disparaître la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Le recours accru, et assez massif, au travail à distance pendant les deux derniers mois l’a bien montré.
Pour notre organisation syndicale, le travail à distance doit être articulé avec la présence sur site. Encore faut-il que le site soit un espace non contraignant et non générateur de risques sanitaires. On revient des open space dont on a abusé et dont on constate les dégâts, pourtant prévisibles. Le temps n’a fait que confirmer les craintes sur les conséquences en termes de santé au travail, dénoncées dans les instances dédiées.
Repenser tout ceci est donc d’une pressante nécessité.
En conclusion, tout comme « la culture, c’est ce qui demeure dans l’Homme lorsqu’il a tout oublié », le service public, c’est ce qu’il reste lorsque tout s’effondre.
Monsieur le Ministre, préservez ce service public car c’est lui qui a protégé les Français lors de la crise. Les choix politiques ne doivent plus, comme ils ne l’ont que trop fait, l’affaiblir.
C’est la condition sine qua non pour que le monde d’après ne soit pas pire que le monde d’avant.
Au nom de la CFDT-MAE, je vous remercie./.