Monsieur le Ministre,
Le comité technique ministériel est, pour les organisations syndicales, l’occasion de faire le point sur les dossiers revendicatifs qu’ils défendent. La CFDT souhaite porter à votre connaissance ou vous rappeler trois points positifs dans l’action de l’administration depuis le dernier CTM, deux dossiers prometteurs mais encore inaboutis, et quatre sujets d’inquiétude.
Trois points positifs
Les élections qui auront lieu dans un peu moins d’un mois permettront d’instituer les instances de dialogue social de proximité que la CFDT réclame depuis des années :
– A l’administration centrale tous les agents parisiens et nantais disposeront enfin d’un comité technique dédié et de deux comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail ;
– A l’étranger, l’institution des comités techniques de proximité, par décret du Premier ministre, consacre la simplification du dialogue social (2 instances au lieu de 4). Pour la CFDT, le caractère interministériel de ces CTPE est une avancée ;
– La CFDT espère que ce dispositif rénové permettra d’éviter des pratiques qui n’ont pas toujours été exemplaires, de la part de chefs de postes pas persuadés de l’utilité du dialogue social. Nous comptons sur votre autorité pour que la rénovation du dialogue social dans nos ambassades, nos consulats et nos centres culturels devienne partout une réalité.
Deuxième sujet de satisfaction : nous avons découvert, dans le dossier de séance de ce CTM, l’accord de principe donné par l’administration à une réforme statutaire en faveur des agents de catégorie A de la filière technique. L’application du « protocole Jacob » permettra aux attachés des systèmes d’information et de communication de bénéficier des mêmes avantages statutaires que leurs collègues de la filière administrative.
Les questions de santé au travail font l’objet d’une meilleure prise en compte par votre administration. La CFDT a eu récemment un entretien avec le Secrétaire général puis une entrevue avec la DRH, lors desquels nous avons exprimé des préoccupations qui vous ont été relayées. Certaines ont d’ores et déjà été reprises. Il s’agit :
– De mettre en place des mesures dédiées à l’accompagnement des agents affectés dans les postes en crise ou qui en reviennent,
– De veiller à la qualité managériale des chefs de poste de présence diplomatique,
– D’instituer un médiateur entre l’administration et les agents en situation de souffrance au travail,
– Et d’améliorer l’information et les mesures palliatives, encore très insuffisantes, pour les risques sanitaires dans les pays pollués (Pékin !).
Deux dossiers prometteurs
La CFDT approuve le principe d’une Charte du temps qui permettra de concilier la vie personnelle et la vie professionnelle des agents. Mais nous avons demandé à l’administration de ne pas la soumettre tout de suite à l’avis de ce comité car il y manque des éléments importants.
La CFDT demande que l’on ne se contente pas de bonnes intentions mais que des mesures concrètes soient instituées telles que la fermeture des bureaux le soir et la garantie par l’employeur du droit à la déconnexion des agents qui ne sont pas d’astreinte. Pour que cette Charte ne reste pas lettre morte (le sort qu’ont connu malheureusement beaucoup de chartes), nous demandons qu’elle fasse l’objet d’un suivi et d’une évaluation à l’aide d’indicateurs, tels que le volume des dépassements d’horaire.
Vous l’avez dit tout à l’heure, la Charte du temps doit être un point de départ.
La CFDT a lancé au printemps dernier une vaste enquête auprès des collègues expatriés au sujet de la prise en compte de la dimension familiale. Les résultats de cette enquête figurent dans notre « Lettre du syndicat CFDT-MAE » de novembre. Y figurent aussi des propositions. J’en citerai trois, qui sont des mesures de justice sociale, comme l’avait été il y a plus de dix ans l’institution d’un barème unique pour les majorations familiales versées aux agents accompagnés d’enfants.
La CFDT demande :
– Un barème unique (par pays) des indemnités de changement de résidence, qui ne devraient plus être indexées sur le grade de l’agent ;
– Un barème unique pour le supplément familial versé aux agents expatriés dont le conjoint ne travaille pas. Aucune justification, là non plus, pour que le conjoint d’un agent de catégorie B ou C bénéficie d’une indemnité très inférieure à celle d’une épouse ou d’un époux d’un conseiller d’ambassade ;
– Enfin, dans la même logique, nous revendiquons un barème unique pour l’indemnité d’établissement versée aux agents lors de leur prise de fonction à l’étranger.
Evidemment ces mesures seraient à coût nul, donc sans obligation de quémander une rallonge budgétaire à Bercy…
Quatre irritants
Lors du dernier CTM, vous nous avez annoncé qu’une seconde vague de postes de présence diplomatique à format très allégé était déjà à l’étude. Or le premier train de 13 PPD-FTA est à peine lancé. Aucune évaluation n’a encore eu lieu et les remontées du terrain ne semblent pas très prometteuses. Aucun retour d’expérience ne semble avoir été demandé aux collègues qui ont œuvré à la fermeture des antennes diplomatiques. Pour la CFDT, lancer dès maintenant une nouvelle vague de PPD alors qu’on n’a pas mesuré les conséquences des réductions de format précédentes, c’est confondre vitesse et précipitation.
Vous vous souvenez sans doute que lors de votre dernière visite dans ce CTM, en mai dernier, les organisations syndicales vous avaient interpellé sur la refonte des temps de séjour dans les postes à l’étranger. Nous avions fait remarquer, sur la forme, que cette opération avait été menée sans aucune concertation avec les syndicats et, sur le fond, que les mesures contenaient des contradictions pour ne pas dire des aberrations.
Nous avons appris hier matin qu’une réunion était programmée dans les prochains jours. La CFDT a fait des propositions par écrit et souhaite que le dialogue social qui avait fait défaut il y a six mois reprenne sur de meilleures bases.
La CFDT, au risque de se répéter, alerte depuis toujours les ministres successifs sur les conditions d’emploi, de rémunération et de protection sociale réservées à nos 9.000 collègues recrutés locaux dans les postes à l’étranger. Depuis 2 ou 3 ans nous pensions avoir été entendus. En effet les crédits catégoriels avaient été augmentés notablement. En 2014 plus d’un tiers de l’enveloppe de crédits catégoriels (1,23 M€ sur un total de 3,5M€) étaient consacrés à l’amélioration de la situation des recrutés locaux.
Or nous lisons dans le dossier de séance qu’en 2015 on fait porter principalement sur les recrutés locaux la diminution de l’enveloppe de crédits catégoriels : de 1,23 M€ on tombe brutalement à 800.000 €. 430.000 € en moins, cela signifie que de nombreux postes devront attendre pour la réévaluation de leur grille salariale en cas de décrochage par rapport au marché local de l’emploi. Cela signifie que des ambassades et des consulats généraux devront patienter encore avant d’offrir une protection sociale correcte.
Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, le réexamen de la répartition des crédits catégoriels pour 2015.
Immense déception pour la CFDT à la lecture de la fiche intitulée « Agents contractuels : recrutements réservés au titre de la loi Sauvadet – perspectives ». Alors que la question avait été débattue lors du dernier CTM et que le directeur général de l’administration nous avait assuré « qu’on reparlerait » de notre demande de concours réservé en 2015 :
– Il n’y a eu aucune concertation à ce sujet ;
– Nos arguments sur le niveau des concours réservés, équivalent à des concours externes, et nos arguments sur le niveau des épreuves de langues ou sur le caractère académique d’un concours qui devrait s’appuyer au contraire sur les acquis professionnels des candidats, n’ont même pas été discutés ;
– Finalement l’affaire a été réglée en une ligne seulement : « Il n’est pas prévu d’ouvrir d’autres examens professionnels en 2015./. »
Une telle décision non concertée et non argumentée est calamiteuse :
– Elle est calamiteuse en terme de dialogue social ;
– Elle est calamiteuse pour l’image de ce ministère : le MAE est le ministère qui compte la plus grande proportion (plus de la moitié) de personnels contractuels de toute l’administration française. Le MAE risque de devenir le ministère qui aura le plus mauvais bilan en matière de résorption de l’emploi précaire de toute la fonction publique française. Alors que la plupart des administrations ont organisé ou programmé des examens professionnels et des concours réservés en 2013, en 2014, en 2015 et en 2016, le MAE se contente de titulariser moins d’une trentaine de contractuels en 2014, sans pour autant mettre fin aux recrutements d’agents contractuels en CDD.
Monsieur le Ministre, vous ne pouvez pas accepter, en tant que membre éminent d’un gouvernement socialiste, que votre Département ministériel dénature ainsi la loi Sauvadet, votée par la gauche et la droite au Parlement, et ruiner les espoirs de dizaines d’agents qui espéraient sortir enfin de la précarité. Et s’il est trop tard pour organiser des concours réservés en 2015, la loi permet d’en organiser en 2016.