La fin d’une quadruple séquence d’organisation d’élections en 2012, littéralement épuisantes pour le réseau consulaire, le départ comme chaque année à pareille époque de nombreux compatriotes en séjour à l’étranger, et ce qu’il faut bien appeler la révision générale et aggravée des politiques publiques qui sous peu pourrait frapper le Ministère des Affaires Étrangères conduisent à un devoir de vérité : sur-sollicité depuis années, le réseau des Consulats français est aujourd’hui exsangue et en phase de rupture. L’heure des choix a sonné.
Pour des raisons diverses (désintérêt des pouvoirs publics, distances, dissémination géographique, dénigrement ambiant, etc.), le réseau que constituent nos 230 Consulats de toutes tailles reste souvent sous-considéré, alors même que sa palette de responsabilités est particulièrement étendue : instruction et délivrance de passeports et de cartes d’identité, assistance aux Français (résidents, comme de passage), état civil, nationalité, aide sociale, bourses scolaires, affaires militaires, notariat, adoptions, escales, organisation intégrale des élections, rapatriements, visas, pour ne citer que les plus importantes.
Cette gamme de responsabilités requiert disponibilité, écoute, technicité, et, dans l’immense majorité des cas, un très fort engagement personnel des agents consulaires. C’est si vrai que si ces activités sont méconnues du grand public, elles sont en revanche parfaitement connues, et surtout très sollicitées, par tous ceux qui, par nécessité personnelle ou utilité politique, sont très enclins à requérir activement les Consulats, parfois au-delà de toute mesure. Les postes consulaires ne manquent pas à cet égard de nombres d’anecdotes et d’expériences, tantôt savoureuses tantôt déplaisantes, et que le devoir de réserve et le sens du service public ont sagement tues.
C’est cette époque qui désormais s’achève. L’attrition des moyens du Quai -en l’état des projections, il devrait rendre plus de 1.000 (mille) emplois lors des trois prochaines années, ce qui à l’aune de ses faibles effectifs serait aussi colossal qu’irraisonné, et dans le même temps se verrait amputé de plus de 10% de ses crédits de fonctionnement- et l’épuisement des équipes depuis plusieurs années doivent être mises en regard de la sollicitation accrue du réseau consulaire. Cette dernière résulte non seulement, et très naturellement, des flux de compatriotes liés à la mondialisation et de la multiplication des crises, mais aussi, et de façon plus préoccupante, de l’inflation des interventions à caractère politique, issues de responsables aussi bien nationaux que locaux. La présence de désormais pas moins de cinq ministres aux Affaires Étrangères et l’avènement de 11 députés des français de l’étranger -qui s’ajoutent donc aux 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France et aux 180 membres de l’Assemblée des Français de l’étranger- participent et renforcent cette augmentation du nombre de prescripteurs politiques …alors même que le nombre d’agents traitants dans les Consulats ne cesse, lui, de diminuer.
Cette conjonction d’effets ciseaux oblige dès lors à une réflexion et à des choix qui n’ont que trop tardé. Seules deux options s’offrent véritablement à nous :
– soit notre pays souhaite maintenir l’étendue de la palette de services qu’il entend rendre à nos compatriotes à l’étranger, à toute heure et dans la plupart des régions du monde, en sus parfois d’une médiatisation hors de proportions, alors un renforcement des capacités opérationnelles du réseau consulaire (au sein des Consulats et des services centraux) est inéluctable. Un redéploiement de l’existant ne ferait en effet que concentrer sur un nombre de points plus réduits une masse critique de sollicitations que l’on sait en progression constante.
– soit nous procédons à une révision drastique, détaillée, et assumée publiquement, de la gamme des services consulaires actuellement rendus.
Si rien n’était clairement décidé, cela signifierait que le réseau des Consulats -et les intérêts français qui leur sont liés- seraient tout simplement livrés à la fortune des événements. Il en résulterait assurément une série de trois conséquences :
– nous perdrions alors un peu plus en capacité d’influence. Nombre de Consulats constituent en effet les relais de l’Ambassade et sont les vecteurs d’influence politique, commerciale et culturelle dans toute une série de villes-monde dans lesquelles ils sont de longue date insérés.
– les communautés françaises auraient alors le sentiment d’être au mieux oubliées, au pire abandonnées, par leur propre pays avec lequel les échanges sont pourtant infiniment plus réguliers et intenses qu’il y a une trentaine d’années.
– le peu de moyens des Consulats deviendrait alors de facto définitivement accaparé, au corps défendant des agents consulaires, par une minorité de responsables influents qui, privés comme publics, sont de longue date prompts, discrètement mais fermement, à mobiliser à leur avantage des moyens de l’Etat dont ils n’hésitent pas par ailleurs à prôner ouvertement la réduction.
Le débat est posé. Nul ne pourra dire qu’il n’était pas prévenu. Pour le conseil syndical CFDT-MAE