Les extraits de l’ article « les interrogations du syndicalisme français » paru dans le Monde Diplomatique d’octobre 1997 résument assez bien la situation actuelle de l’engagement syndical :
« L’analyse en termes de mouvement social découle de deux évolutions historiques qui se sont concrétisées au cours de ce siècle : la généralisation de la forme syndicale et associative, d’une part ; l’affirmation du sujet, autrement dit la construction de l’individu comme acteur social, d’autre part. En France, le mouvement social prend des formes très diverses et qui se sont longtemps ignorées : les différences restent grandes entre le travail en profondeur des mouvements d’éducation populaire, le militantisme des associations de défense de l’environnement, la radicalité des « sans-papiers », l’action des grandes confédérations syndicales, voire celle des nouveaux syndicats du type SUD.
La crise des représentations qui affecte nombre de sociétés développées appelle un renouvellement de la citoyenneté et de la démocratie. A cet égard, on constate que, insensiblement, une page a été tournée, en France, au cours de ce dernier quart de siècle. On croyait le militantisme passé aux oubliettes, et voici qu’il renaît dans des modes et des pratiques souvent originales. Pourtant, le taux de syndicalisation demeure extrêmement bas (environ 8 %), et nombre de grandes associations ont perdu une partie de leurs militants en privilégiant les missions de service public au détriment de démarches plus significatives de leur identité. Comment comprendre ces déplacements de frontières ? Où se situent les lignes de force d’un renouveau possible de la passion civique et sociale ? Pendant les années 80, nombre d’acteurs sociaux se tournèrent vers des mouvements associatifs souvent proches du caritatif, luttant pour des causes plutôt que pour des projets politiques plus vastes.
C’est également pendant cette décennie que le syndicalisme allait se trouver confronté à une sérieuse perte de substance. Ne trouvant pas ses marques entre une institutionnalisation profitable, mais paralysante, et le délitement grandissant du tissu social, il vit décroître à la fois ses effectifs et son prestige dans l’opinion.
Depuis le début des années 90, les objectifs et les formes d’action et d’organisation des composantes du mouvement social se sont modifiés en profondeur. D’où le sentiment de la nécessaire distance à garder avec l’espace politique des partis, et la forte aspiration à l’autonomie qui constitue l’un des ressorts de la mobilisation. La prise de conscience de la profondeur de la crise sociale est un autre de ces ressorts. L’exclusion n’apparaît plus comme un phénomène quasiment extérieur à une société relativement bien portante.
Ainsi naît, entre autres, un mouvement comme le mouvement AC ! contre le chômage. Le « do it yourself » a pris une dimension revendicative et politique, parvenant parfois à des succès inattendus, notamment pour les relogements. Des mouvements originaux s’affirment et trouvent souvent le chemin des médias. Adoptant un champ d’action que l’on pourrait définir comme sub-institutionnel, ils conjuguent l’action illégale, le maintien d’une stricte non-violence et une capacité de négociation remarquable. De son côté, la vie syndicale, s’appuyant sur l’ampleur des attentes populaires, connaît, à partir de 1995, une indiscutable reprise, doublée de remises en cause parfois sévères.
Mais, dans le même temps, s’exacerbent des conflits stratégiques et de pouvoir, se traduisant notamment par la création de nouveaux syndicats (SUD, FSU). Reconquérir la parole, refuser en actes l’inacceptable, en premier lieu la fameuse « fracture sociale », traiter les conflits par davantage de délibération et moins de hiérarchie, tel est l’esprit qui anime aujourd’hui les acteurs du changement. » (Par SERGE DEPAQUIT Secrétaire de l’association pour l’Autogestion, l’initiative locale et l’économie sociale (Ailes) et animateur des Initiatives de citoyenneté active en réseau (Icare).) Que ce soit au XIXe ou à la fin du XXe siècle, le mouvement social est fait d’hommes et de femmes, des militants qui constituent l’articulation entre action collective et action individuelle. La réduction du temps de travail, n’est pas un thème nouveau. Depuis le début du siècle, c’est une constante de l’action syndicale et un sujet de profondes divisions entre ouvriers et patrons, explique l’historien François Baudin Aujourd’hui avec le débat sur la semaine de 35 heures, la réduction du temps de travail revient sur le devant de la scène. Mais ce thème a été une constante tout au long du XXe siècle, observe l’auteur de l’histoire économique et sociale de la Lorraine, tout en retenant qu’il a aussi été un sujet de profondes divergences, plus sensible que la protection sociale ou les salaires. « Un terrain d’entente était plus facile à trouver sur ces derniers dossiers, en fonction des évolutions technologiques et des gains de productivité », note-t-il.
On peut s’interroger sur le présent et le devenir d’un monde qui est confronté à bien des changements économiques et sociaux : mondialisation, précarisation, flexibilité à outrance…qui sont autant de phénomènes que le syndicalisme, tout comme les salariés qu’il cherche à défendre, tente d’appréhender, de maîtriser et de combattre en proposant des alternatives.