A l’administration qui proposait une réforme cosmétique, les syndicats répondent qu’il faut alléger l’architecture des instances de dialogue social mais surtout pérenniser le dispositif en lui donnant un cadre réglementaire.
La première séance de négociation du quatrième accord cadre sur le dialogue social dans les postes s’est tenue le 20 avril.
L’administration avait indiqué qu’elle souhaitait signer un nouvel accord avant le 4 juillet. La CFDT, elle, avait énoncé plusieurs propositions pour améliorer le dispositif : renforcer la protection des élus en commission consultative locale (CCL) ;
- intégrer les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail dans le dispositif ;
- revoir le mode de scrutin pour les élections en CCP pour que seuls les syndicats bénéficiant d’une implantation locale puissent se présenter ;
- organiser des actions de formation pour les chefs de poste et les élus ;
- limiter aux organisations signataires de l’accord la participation au comité de suivi de l’accord.
Le CTPM des 4 et 5 mai a permis une avancée considérable : l’accord-cadre devra recevoir une traduction réglementaire
Il est indiqué dans la fiche « GPEEC : point sur la conférence de GPRH (1) » figurant au dossier, que le MAEE et la DGAFP se sont engagés conjointement à « sécuriser juridiquement le dispositif de dialogue social à l’étranger : la DGAFP envisageait ainsi une éventuelle évolution du dispositif actuel vers un dispositif plus « classique », c’est-à-dire des comités techniques. Il est apparu toutefois que les dispositions du décret n° 2011-184 du 14 février 2011 relatif aux CT n’étaient pas applicables aux postes à l’étranger dans la mesure où il ne s’agit pas de services déconcentrés. Le MAEE a rappelé également que le dialogue social dans les postes s’inscrivait dans un cadre très spécifique puisque plus de la moitié des personnels à l’étranger relève non pas du droit public français mais de la législation du pays concerné (2). Il a également souligné que l’accord cadre a instauré une concertation allant au- delà des attributions d’un comité technique car il prévoit l’examen des situations individuelles des agents de droit local et qu’il serait regrettable d’effacer (3) ».
La CGT puis la CFDT prennent le contre-pied de cet argumentaire avec les arguments suivants :
Il faut respecter autant que possible l’esprit et la lettre desaccords de Bercy du 2 juin 2008 et de la loi du 5 juillet 2010 relatifs à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, ainsi que du décret du 15 février 2011 et de sa circulaire d’application relatifs aux comités techniques. Le fait que la DGAFP demande un dispositif plus «classique» signifie clairement qu’elle attend du MAEE qu’il fasse un effort pour se rapprocher du droit commun en matière de dialogue social.
Les accords signés dans la fonction publique n’ont toujours pas de valeur contraignante. Il importe donc qu’ils reçoivent une traduction réglementaire. Cela est d’autant plus nécessaire au MAEE que, comme l’a constaté le comité de suivi, trop de chefs de poste continuent de négliger le dialogue social, qu’ils considèrent comme une formalité facultative car encadrée par aucun texte.
Cet accord-cadre, s’il voit le jour, interviendra après onze ans d’expérience et d’améliorations successives. On peut donc dire que le dialogue social dans les postes arrive à maturité et qu’il peut être enfin stabilisé. Quoi de mieux qu’un texte réglementaire pour pérenniser ce dispositif et ne plus avoir à le renégocier de fond en comble tous les trois ou quatre ans ! La CFTC se déclare favorable à la formalisation du DSP et la FSU indique qu’ «elle ne signera pas s’il n’y a pas d’évolution sensible».
La deuxième séance de négociation, le 11 mai 2011, fait apparaître une quasi unanimité syndicale
Comme promis, l’administration a préparé une nouvelle mouture de l’accord-cadre, comprenant des innovations et reprenant certaines propositions des syndicats :
- abandon du paritarisme dans les CCP et CCL, comme pour les comités techniques ;
- mandat de 4 ans (et non plus 3), comme pour les comités techniques ; objectif affiché de « parvenir à terme à ce que l’ensemble des élections professionnelles dans les postes soit organisé à la date fixée pour l’ensemble de la fonction publique » ;
- possibilité pour des syndicats locaux de présenter des listes de candidats en CCL (4).
En revanche, la DRH n’avait dû suivre que d’une oreille les interventions des syndicats au CTPM car elle n’a mentionné nulle part notre exigence de formalisation de l’accord-cadre par un texte réglementaire.
Or un tour de table met en évidence que l’ASAM, la CFDT, la CFTC, la CGT et la FSU souhaitent qu’un cadre réglementaire soit trouvé (5). Rappelons que la loi a fixé comme critère de validité des accords conclus entre 2010 et 2014 (période transitoire) le fait qu’il soit « signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 20 % des voix aux dernières élections professionnelles et qu’il n’a pas rencontré l’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli la majorité des voix à ces mêmes élections. La validité d’un accord signé suivant la règle majoritaire est également reconnue pendant cette période transitoire (6) ».
Plusieurs hypothèses et pistes de réflexion sont évoquées :
- la CGT souhaite la création de comités techniques spéciaux (CTS), qui remplaceraient les CCP et les réunions conjointes ainsi que la création de CHS locaux ; les élections devraient se dérouler le même jour dans tous les postes pour éviter que les premières élections influencent le vote des élections dans les autres postes ;
- la CFDT estime elle aussi qu’il est possible de simplifier le dispositif ; les CCL doivent être absolument maintenues mais il faut réfléchir à une instance unique, compétente pour les questions d’ordre général, y compris l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail ;
- CFDT, CGT et FSU insistent pour que les CCL – compétentes pour les questions individuelles relatives aux RL – se réunissent au moins deux fois par an dont une avant la préparation des budgets RL ;
- la plupart des syndicats estime que les assemblées générales de concertation (AGC), qui sont trop souvent un alibi mais rarement un lieu de dialogue social, doivent être sorties du champ de l’accord ;
- un consensus s’établit sur le fait qu’il sera difficile d’exclure les non-signataires du comité de suivi ;
- la CFDT et la FSU tiennent particulièrement à ce que les élus en CCL soient réellement protégés ; la CFDT propose que tout projet de fin de contrat d’un élu en CCL fasse obligatoirement l’objet d’un débat en comité de suivi ou en CTM.
Le sous-directeur RH1, qui s’est entretenu le matin-même avec la DGAFP, déclare que cette dernière « manifeste toujours le même intérêt pour notre accord-cadre mais n’a pas demandé spécifiquement un texte réglementaire7. Nous devons nous inscrire dans le cadre interministériel moyennant les adaptations nécessaires. Il faut qu’on réfléchisse à la manière de procéder. On peut en parler avec la DGAFP ».
(1) GPRH = Gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, GPRH = gestion prévisionnelle des ressources humaines.
(2) Cet argument de la spécificité du MAEE est irrecevable puisque 100 % des personnels à l’étranger, y compris bien sûr les recrutés locaux sont électeurs au CTPM depuis le célèbre arrêt du Conseil d’Etat CFDT c/ MAE n° 162617 du 29 juillet 1998 (Résumé : Eu égard à la compétence du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères, le ministre des affaires étrangères devait tenir compte de l’audience des organisations syndicales auprès des agents non-titulaires comme auprès des titulaires. Illégalité de la décision d’attribution des sièges, le ministre n’ayant pas recherché si les organisations en cause étaient représentatives en ce qui concerne les agents non-titulaires et notamment les agents recrutés localement de nationalité étrangère.)
(3) Tout à fait ! Les CCL devront absolument être préservées, ce qui n’empêche pas de leur trouver une base légale.
(4) Cette possibilité est cependant conditionnée à « l’accord exprès du chef de poste, après consultation de la DRH ». La FSU conteste ces restrictions.
(5) FO déclare que « sa philosophie n’est pas totalement arrêtée » ; l’USASCC est surtout préoccupée par les problèmes de sécurité que poseraient des candidatures de syndicats étrangers…
(6) Pour mémoire, ASAM + CFDT + CFTC + CGT + FSU > 85 % de représentativité, mesurée lors de l’élection du 7 juillet 2010 au CTPM.
(7) Nous avions effectivement remarqué que la FP manifeste son intérêt pour les ministères qui se lancent dans des expérimentations sans filet (évaluation à 360°, télétravail, chartes NTIC…). Mais à la CFDT on apprécie aussi que ces prises de risques, si elles débouchent sur des dispositifs intéressants, finissent par être dotées de bases légales !
(8) Une réunion intersyndicale est programmée fin mai pour trouver un consensus sur l’architecture (CCL + CTS ?) et le mode d’élection (collège RL + collège expat ? ; élection sur sigle ou scrutin de liste ?)