CFDT – Enquête sur les écolages et les majorations familiales
- L’employeur doit prendre en charge les surcoûts liés à l’expatriation des enfants des agents
- Le compte n’y est pas
- Le constat est amer
- C’est le bazar
- L’insécurité financière face aux frais d’écolage est devenue la règle
- Les enfants ne passent pas tout leur temps à l’école
- Une mauvaise surprise attend les agents à leur retour en France
- Les revendications sont claires
La CFDT a réalisé une grande enquête sur les majorations familiales (MF). L’ensemble des agents du ministère a été sollicité. En plus des très nombreuses réponses qu’elle a reçues, qui témoignent de l’inquiétude et de l’actualité de ce sujet, un travail minutieux de comparaison des MF et des frais d’écolage permet de dresser le tableau d’ensemble d’une situation à la fois désordonnée et injuste qui ne laisse que peu de doute sur le peu d’attention que le Département porte aux enfants des agents, et donc aux agents eux-mêmes.
Les frais[1] de 65 établissements dans 65 villes différentes réparties aux quatre coins du monde[2], ont été comparés aux Majorations familiales correspondantes.
L’employeur doit prendre en charge les surcoûts liés à l’expatriation des enfants des agents
La France ne veut-elle être représentée que par des diplomates célibataires à New-York, Pékin, et Londres ? Avoir des enfants est-il rédhibitoire pour devenir diplomate ? En d’autres termes, imagine-t-on que la question « Souhaitez-vous avoir des enfants dans les années qui viennent ? » soit une question posée à l’oral d’un concours du Ministère ? Imposer le célibat géographique, sauf cas particulier des pays en guerre, n’est pas une option ; pas plus que la déscolarisation des enfants des diplomates français.
La question est d’autant plus pertinente que la France a toutes les raisons d’être fière de son réseau d’écoles presque universel. 98 % des agents qui ont participé à l’enquête sont en poste dans une ville dans laquelle se trouve un établissement français.
Le compte n’y est pas
Dans plus de la moitié des cas, les majorations familiales, même lorsque les agents ne sont pas logés, et déduction faite de la CSG, de la CRDS et de la mutuelle, ne permettent pas de payer l’école des enfants. Elles sont donc loin d’assurer l’équivalent des allocations familiales françaises.
La présentation des Majorations familiales[3] sur DIPLONET est doublement erronée :
- Les prélèvements sur les majorations familiales ne nous laissent pas le choix. Les majorations familiales servent aussi à payer la CSG, la CRDS[4], la mutuelle[5] et pour ceux qui sont logés, le loyer[6].
- De surcroît, même si les MF étaient intégralement versées aux familles, elles ne permettraient pas de payer les écolages dans 18 établissements sur les 65 étudiés.
Exemple : Les frais de scolarité sont supérieurs de 3546 € par an aux majorations familiales brutes pour un enfant scolarisé au lycée français de Shanghai.
Dans cette situation, non seulement les agents doivent utiliser leur IRE pour payer l’école de leurs enfants, mais encore pour payer la part de CSG, CRDS et mutuelle due sur les MF perçues.
Allons un peu au-delà : après les prélèvements de la CSG, de la CRDS et de la mutuelle, les MF effectivement versées aux agents, qu’ils soient logés ou non, ne sont pas suffisantes pour payer les écolages dans 34 pays sur les 65 étudiés.
Exemple : À Koweït, pour un enfant de 16 ans en première, les MF sont de 12 060 € brut, soit 10 514 € après déductions de la CSG, de la CRDS et de la mutuelle ; tandis que la scolarité coute 11 771 €
Quant aux 60 € par mois et par enfant dont parle la DRH sur Diplonet[7] à propos des MF, ils ne sont effectivement versés aux familles, qui ne sont pas logées par le Département, que dans 19 cas sur 66. Ils ne sont versés que dans 5 villes sur 65 aux agents de catégorie B et A logés.
Exemple : À Tokyo, la scolarité d’un élève de première coute 9439 €. Les MF sont de 11 987 € brut, soit 10 451 € déduction faite de la CGS, de la CRDS et de la mutuelle et 9367 €, déduction faite du loyer d’un agent de catégorie C logé par le Département. En tenant compte des prélèvements opérés sur les MF, pour tenir ses engagements, l’administration devrait augmenter les MF brut de 1000 €. 1000 € que les agents de catégorie C en poste à Tokyo doivent prélever sur leur IRE pour chacun de leur enfant en première.
Comparaison entre les frais d’écolages et les majorations familiales
Pour les familles logées, la situation se complique encore : les deux tiers des agents de catégories C et les trois quarts des familles de catégories B et A ne peuvent pas payer les écoles de leurs enfants avec les Majorations familiales qui leur sont versées.
Pour les familles logées, l’administration ne fait ce qu’elle dit que dans 10 cas sur 65 pour les agents de catégories C, et dans 5 cas sur 65 pour les catégories B et A.
Agents de catégorie C logés
Agents de catégories B et A logés
Le constat est amer
Une part significative de nos collègues renonce aux lycées français parce que c’est trop cher ! Un tiers de nos collègues interrogés ne scolarise pas tous leurs enfants dans système français et pour les deux tiers d’entre eux, uniquement pour des raisons financières.
Vos enfants sont-ils scolarisés dans un établissement français ?
Si l’un au moins de vos enfants n’est pas scolarisé dans un établissement français, quelle est la motivation principale de ce choix ?
Parmi ceux qui scolarisent leurs enfants dans le système français, ce constat amer est largement partagé.
Si vous êtes logé, les MF couvèrent elles les écolages, déduction faite de la CSG, CRDS et mutuelle ?
Si vous n’êtes pas logé, les MF couvrent-elles les écolages, déduction faite de la CSG, CRDS et mutuelle ?
C’est le bazar
Le tableau des frais de scolarité et des MF laisse un sentiment de grand désordre :
- Dans 10 % des cas étudiés, les MF (effectives hors logement) sont supérieures aux frais d’écolages à certains âges, mais pas à d’autres ; parfois avec des variations importantes.
Exemple : Les MF, brutes, sont inférieures de 2018 € par an aux frais de scolarité d’un enfant de CP du lycée français de Los Angeles, tandis qu’elles sont suffisantes pour un enfant de cinquième scolarisé dans le même établissement.
- Les variations entre les pays sont incompréhensibles. Si l’Amérique du nord est surreprésentée dans la liste des pays qui posent problème, tous les continents sont concernés, avec des écarts très importants.
Exemple : Pour un élève de première, entre les MF effectives et les frais de scolarités, il manque 2029 € en Uruguay, 939 € en Jordanie, 7906 € à Los Angeles, 635 € en République Tchèque. A l’inverse, les MF permettent de payer les frais de scolarité au Sénégal et au Chili.
- Dans des conditions comparables, parfois dans le même pays, avec des frais de scolarités comparables, les situations sont radicalement différentes d’une ville à l’autre.
Exemple : Avec les MF, effectives, hors logement, il est possible de scolariser un enfant de première au lycée français de San Francisco ; mais pas à Washington où il manque 5764 euros.
Les MF font partie de l’assiette de calcul du loyer. Il est compréhensible que, à concurrence de sa valeur locative, à logement égal, les agents dont les revenus sont les moins élevés soient prioritaires et aient un loyer plus avantageux. Mais la situation actuelle conduit à faire payer, à logement égal, un loyer plus élevé à une famille nombreuse, qu’à un agent célibataire ; il en va de même dans les pays dans lesquels les MF ne sont pas suffisantes pour payer les frais de scolarité.
Exemple : À Londres, les MF, après CSG, CRDS et mutuelles, pour un enfant de 16 ans en première, sont de 10 720 € tandis que les frais de scolarité sont de 10 719 €. Si c’est un agent de catégorie C qui est logé, sur ces 10 720 €, 1229 € seront prélevés pour le loyer, qu’il devra prélever sur son IRE ; tandis que son collègue, sans enfant, dans le même logement, conservera l’intégralité de son IRE.
L’insécurité financière face aux frais d’écolage est devenue la règle.
Au sentiment de grand désordre, s’ajoute celui de l’imprévisibilité. Parce que si les MF couvrent trop rarement les écolages, elles ne prennent pratiquement pas en compte l’inflation. Un agent qui accepte un poste en famille après avoir vérifié qu’il pourra payer les frais de scolarité de ses enfants, n’a pas la certitude qu’il le pourra encore dans six mois. 87 % des agents qui ont participé à l’enquête, hors zone euro et CFA, nous le confirment : Le Département ne prend pas en compte l’inflation.
Les enfants ne passent pas tout leur temps à l’école
i. e. : Les frais de scolarité ne sont pas l’alpha et l’oméga de l’expatriation d’un enfant
Les frais directement imputable à l’expatriation d’un enfant ne se résument pas aux frais d’écolage. L’administration elle-même le sait puisqu’elle inclut les MF dans l’assiette de calcul de la CSG, de la CRDS, de la mutuelle et des loyers.
Et en effet, les écoles, comme nos ambassades, sont situées dans des quartiers aux loyers élevés d’où les élèves ont souvent des difficultés à s’extraire.
- Pour des raisons de sécurité :
Exemple : En Arabie saoudite, même lorsque c’est autorisé par l’ambassade, il est difficile d’habiter hors du Quartier diplomatique. (Pour des raisons de sécurité en ville et parce que les compounds sont trop chers.) Les agents sont logés par l’administration. Mais alors même que les MF ne suffisent pas à payer les frais d’écolage, l’administration en prélève 10 ou 15 % pour le loyer d’un logement qu’elle impose. Pour un élève de CP, les MF brut sont de 10 096 € par an, soit 8803 € après CSG, CRDS et mutuelle tandis que les frais de scolarité sont de 9947 €. La part du loyer prise sur les MF sera donc de 1009 € que l’agent de catégorie C devra prélever sur son IRE.
- Parce que les infrastructures du pays ne le permettent pas
Les écoles françaises finissent très souvent tôt. C’est un phénomène connu de tous les parents expatriés. Les enfants français scolarisés à l’étranger terminent en début d’après-midi, tandis que les ambassades ferment tard. Ceci amène des frais de garde directement imputable à l’expatriation des parents. Au-delà des horaires, s’expatrier c’est aussi renoncer à l’aide familiale de proximité.
En France, les livres scolaires sont gratuits. À l’étranger, non. Compter une grosse centaine d’euros par an et par enfant. En France la cantine est subventionnée. À l’étranger, non. En France, le périscolaire est subventionné. À l’étranger, non. S’il revient légitimement aux familles de prendre en charge leurs enfants, il revient à l’employeur de prendre en charge les frais directement liés à l’expatriation des parents.
L’expatriation, c’est aussi la perte du lien avec la famille, avec la France. Le Département prend en charge un billet de temps en temps, selon les pays. Charge à l’agent de financer les autres trajets avec l’IRE. L’expatriation des enfants des cadres est mieux compensée que celle des enfants des agents de catégorie C.
La petite enfance semble complétement oubliée. Les frais de crèche et de garde sont très souvent très élevés, bien plus qu’en France.
Une mauvaise surprise attend les agents à leur retour en France
Comme nous l’avons vu, les MF sont soumises aux prélèvements de CSG, de CRDS, de mutuelle et parfois de loyer. Elles rentrent aussi dans le calcul des revenus pour la caisse d’allocation familiale de Loire-Atlantique. C’est pourquoi les allocations familiales des agents qui obtiennent un poste à Nantes à leur retour sont plafonnées. C’est le cas pour plus d’une famille sur deux ayant répondu à notre enquête.
Exemple : Ce plafonnement représente 10 % de l’ensemble des revenus d’un agent de catégorie B en milieu de carrière avec quatre enfants.
Les revendications sont claires
Les frais de scolarité doivent être complètement pris en charge par le Département. Peu importe comment, ce qui implique que des pistes soient proposées par la suite. Quelles que soient les variations de cours, inflation et autres impondérables, l’école des enfants d’expatriés doit être gratuite.
C’est un sentiment d’indifférence, voire d’abandon, qui domine dans les familles. Le Département doit se doter d’une véritable politique familiale réfléchie et concertée. Tant qu’il y aura des diplomates avec des enfants, il faudra tenir compte des enfants lors de leur expatriation.
Les MF doivent sortir de l’assiette de calcul de la CSG et de la CRDS. Comment expliquer que les agents doivent payer des impôts sur les frais de scolarité de leurs enfants ? À défaut, le montant des MF devrait en tenir compte.
Le logement par le Département, condition sine qua non d’expatriation dans certaines villes, sauf à une revalorisation massive des IRE, ne doit pas priver les agents des MF destinées aux écoles. Le plus simple serait d’exclure les MF de l’assiette de calcul du loyer. (La prise en compte de la valeur locative suffit à tenir compte de la taille du logement.) A défaut, le montant des MF doit en tenir compte.
Les Majorations familiales doivent être décomposées en deux indemnités distinctes :
- Une indemnité d’écolage et de petite enfance, exactement égale au prix de l’école ou de la crèche (avec des grilles par pays et par âges, plus fines que celles dont nous disposons.)
- Une indemnité de vie à l’étranger, correspondant en termes de pouvoir d’achat aux allocations familiales, sous la forme d’un pourcentage d’une IRE de référence. Cette indemnité devrait être unique pour l’ensemble des agents, quels que soient leurs grades et leurs fonctions.
Une indemnité de retour doit être versée aux familles dont les allocations familiales sont plafonnées.
L’expatriation des enfants des agents doit être accompagnée par le Département, indépendamment du grade et des fonctions de leurs parents. Ce sont donc deux billets par an et par enfant dans tous les pays qui devrait être la règle.
[1] Aux frais de scolarité dus chaque année, a été ajouté un tiers des droits de première inscription, lorsqu’il y en a. Aucun autre frais n’a été pris en compte. Ni la cantine, ni les livres, … L’enquête a étudié trois niveaux : le CP, la cinquième et la première.
[2] AFRIQUE DU SUD ALGÉRIE ALLEMAGNE ANGOLA ARABIE SAOUDITE ARMÉNIE AUTRICHE BAHREÏN BELGIQUE BRÉSIL CAMBODGE CANADA CHINE ÉMIRATS ARABES UNIS ESPAGNE ÉTATS-UNIS ÉTHIOPIE GABON GHANA GRÈCE GUATEMALA GUINÉE GUINÉE ÉQUATORIALE HONGRIE IRLANDE ITALIE JAPON JORDANIE KOWEÏT LUXEMBOURG MADAGASCAR MAROC MAURITANIE MEXIQUE NIGERIA OMAN PANAMA PAYS-BAS POLOGNE RÉPUBLIQUE DOMINICAINE RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ROUMANIE ROYAUME-UNI SENEGAL SINGAPOUR SUÈDE TAIPEI THAÏLANDE TUNISIE TURQUIE URUGUAY VANUATU VIETNAM
[3] Le montant des majorations familiales est publié chaque année sur Diplonet sous la forme d’un tableau de fractions du traitement brut afférent à l’indice brut 585 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044061183
[4] Les taux de la CSG et la CRDS sont respectivement 0,09039 et 0,0049125.
[5] Le taux de la mutuelle est 0,0363.
[6] Les agents en service à l’étranger, à l’exception des chefs de mission diplomatique, subissent une retenue portant sur le total formé par la rémunération principale et les avantages familiaux, lorsqu’ils occupent un logement mis à leur disposition par l’État français, par un État étranger ou toute autre organisation. Le taux de cette retenue est de 15% pour les fonctionnaires appartenant à des corps de catégorie A et B. Ce taux est réduit à 10% dans tous les autres cas. Le montant de la retenue résultant de l’application des taux de 15 et 10% ci-dessus est augmenté respectivement de 25% ou de 15% de la partie du loyer excédant ce montant.
[7] Elles ont vocation à tenir compte des frais de scolarité (droits de première inscription, inscription annuelle et frais de scolarité) de l’établissement d’enseignement français à l’étranger de référence, ou établissement assimilé, ainsi qu’un forfait de 60€/mois/enfant.