L’ambassadeur Daniel Lequertier rappelle que la ministre déléguée aux Français de l’étranger lui a confié pour mission en octobre dernier – ainsi qu’à trois autres agents du MAE, deux inspecteurs et l’ ambassadeur aux questions frontalières – d’établir un état des réflexions sur ce que doivent être les missions du réseau consulaire au XXIe siècle et de faire des recommandations aux autorités, en mettant en relief le service rendu ainsi que la performance des postes. Il devrait rendre son rapport en fin d’année. Puis il invite les organisations syndicales à faire part de leurs réflexions.
La CFDT rappelle qu’elle était demandeuse depuis l’alternance du printemps dernier d’un tel audit consistant à mettre à plat et à redéfinir les missions du MAE (et pas seulement le réseau consulaire). En effet la diminution tendancielle des effectifs, le fait que la charge de travail ne diminue pas et que le temps de travail dans les postes n’est toujours pas encadré concourent à l’augmentation du stress au travail. Les gains de productivité ont leurs limites…
Secundo, il faut prendre le contrepied de la démarche RGPP, son objectif obsessionnel de déflation des effectifs et sa mise en œuvre aveugle selon la technique subtile du coup de rabot uniforme. Nous interrogeons M. Lequertier sur les conditions dans lesquelles l’avis des syndicats pourra être pris en compte : est-il encore possible de faire des propositions ou faudra-t-il s’adresser au DGA, chargé de centraliser les différents audits ?
Sur le fond, c’est-à-dire sur les missions du réseau consulaire, nous suggérons une réflexion sur l’accueil des personnalités dans les postes (chronophage et pas toujours d’une utilité politique visible à l’œil nu), sur les commandes, questionnaires divers, variés et redondants, sur le périmètre de la protection consulaire et des services à rendre – ou pas – aux Français de passage. M. Lequertier nous assure que les consultations avec les organisations syndicales se tiendront en amont et en aval de la mission. Les mesures qui seront prises tournent le dos à la RGPP et d’une manière plus générale aux dix/douze dernières années. Mais, à l’instar de la mission Carré, il n’y a pas d’objectifs chiffrés, la réflexion visant à rendre les missions consulaires encore plus efficaces et performantes.
Typologie et missions des postes consulaires
M. Lequertier nous livre un commentaire sur la Convention de Vienne qui stipule que le rôle d’un consulat est « de protéger les intérêts de son pays et de ses ressortissants, mais aussi d’entretenir des relations commerciales, économiques, culturelles, scientifiques et d’information aux autorités du pays d’envoi sur ces relations ». C’est donc une approche réductrice et erronée que de considérer que les consulats ne seraient que les services extérieurs du programme LOLF 151.
Le réseau consulaire comporte des consulats généraux, des sections consulaires d’ambassade et des agences consulaires. On distingue 92 consulats généraux (CG) de dimensions différentes dont 19 en capitale (avec des missions strictement consulaires) et 73 établis en province dont 53 grosses structures (New York, Barcelone, Rio..) et moyennes ainsi que 20 postes à gestion simplifiée (PGS). La plupart des consulats de province ont des missions comparables à celles d’une ambassade.
En comparant avec nos partenaires européens britanniques et allemands, on voit se dessiner clairement deux doctrines quant aux services rendus aux concitoyens à l’étranger : l’une méditerranéenne dont la France, l’Italie et l’Espagne, est plus « généreuse » (état-civil, élections, adoptions, aide sociale…) et l’autre plus anglo-saxonne (Royaume-Uni etAllemagne) où les limites des missions et services rendus sont très claires : pas d’élections, état-civil réduit, pas ou peu de bourses scolaires, idem pour l’action sociale… Dans cette typologie, on remarque également que les sections consulaires d’ambassades et les CG situés dans les capitales ne se consacrent qu’au secteur consulaire stricto sensu (programme 151). En revanche les postes en province font également du politique (sauf au Maroc et en Algérie). Abandonner une telle mission serait une erreur. Le but étant d’améliorer le service rendu, il faut donc libérer le personnel de tâches peu gratifiantes et lui déléguer davantage de responsabilités, par exemple le recueil externalisé des demandes de visas [murmure désapprobateur dans les rangs syndicaux !].
Le PAMAC (pistes d’amélioration consulaire ) est LE chantier de la DFAE. Il s’agit d’une enquête « boite à outils » sous la forme d’un questionnaire adressé à des postes pilotes.
Parmi les pistes envisagées par la mission Lequertier : développement de « monconsulat.fr » et stockage de données des inscrits, externalisation de la prise de rendez-vous, dématérialisation des procédures – même si persistent de réels obstacles tels que le problème de la sécurité et celui de l’accès à l’informatique pour certains usagers -, améliorations lors du dépôt des demandes de visas. Voir ce que l’on peut améliorer sur les tâches exercées pour le compte d’autres administrations qui constituent un report de charge (affaires militaires : organisation de la JDC par exemple). Problématique de la déterritorialisation qui augmente la charge de travail de nos postes frontaliers (Français se rendant au CGF de Genève ou de Luxembourg pour une demande de passeport parce que les délais sont plus courts qu’en préfecture !). La pertinence du notariat est mise en question, étant donné que le notaire consulaire fait essentiellement office de « boite aux lettres ». Dématérialisation de l’envoi des professions de foi des candidats des scrutins organisés à l’étranger à envisager. Possible augmentation des tarifs de chancellerie qui pourrait avoir un effet dissuasif pour des compatriotes peu attentifs à leurs documents. Diffuser une plaquette sur ce que l’on fait/ne fait pas pour les touristes en difficulté. Délimiter le secteur social et rendre effective l’aide des autorités locales dans l’UE. Tout en conservant une proximité avec nos compatriotes isolés grâce à la station mobile Itinéa car l’administration consulaire ne doit pas être déshumanisée.
La CFDT approuve évidemment la démarche PAMAC. Mais elle alerte l’administration sur les limites des solutions apportées par l’itinéa : il faut en assurer tout le back office. En revanche, elle ne s’opposera pas à la fin du notariat. Elle rappelle que l’on assiste actuellement à un bouillonnement régional en Europe, voire à des régionalismes pour ne pas dire des nationalismes d’où l’utilité de l’analyse politique des consulats « en province » (Barcelone, Bilbao, Edimbourg, Milan..).
M. Lequertier admet qu’il est difficile de tout mettre en oeuvre politiquement et de saisir certaines subtilités politiques internes d’un Etat depuis la capitale (exemple du Portugal qu’il connait bien). Cela vaut également pour la diplomatie économique, celle de la culture et de la Francophonie. De plus, le réseau européen a déjà été divisé par deux ces dernières années. Par ailleurs, lorsqu’on lui demande si l’on assistera à un redéploiement vers les pays émergents, il nous répond que nous ne sommes pas si mal représentés dans les BRIC: 6 postes en Chine, c’est plus que nos partenaires allemands.
Vers des structures hybrides ?
S’il est important de conserver un maillage serré de notre réseau, y compris en Europe, il peut revêtir d’autres formes. Il n’est pas indispensable de conserver un consulat général partout. Des antennes consulaires pourraient être créées au sein d’Instituts Français ou de délégations d’Ubifrance. Ce seraient des « délégations » ou des « bureaux d’ambassade ». La CFDT revient sur le rôle de « relais » des PGS qui n’est pas uniforme et indique que contrairement à la doctrine initiale, des PGS tels que Séville ou Porto effectuent des tâches consulaires à destination du public, contrairement à Liège et Anvers récemment fermés. Dans un souci d’efficacité et de réduction des délais de délivrance des titres d’identité, il serait souhaitable que ces compétences leur reviennent officiellement en mettant la réglementation à jour. Ce raisonnement pourrait également s’appliquer au moins partiellement, aux pôles régionaux consulaires. La CFDT rappelle que, globalement, le bilan des pôles régionaux est très discutable : problèmes linguistiques, allongement des procédures, très peu d’économies d’échelle…
Les membres de la mission renvoient la balle à la DFAE qui doit « donner le la » et effectuer les clarifications nécessaires. Ils sont conscients des problématiques et soulignent même les relations conflictuelles entre le poste de rattachement et le PGS qui en découlent dans certains cas. Leur jugement sur les pôles régionaux est assez « mitigé ». Il faudrait a minima exiger une unité linguistique et une réelle proximité géographique (c’est le cas pour Montevideo avec Buenos Aires mais pas pour Assomption). Ils indiquent enfin qu’ils ont eu des contacts avec huit députés et sénateurs au cours d’une rencontre organisée par Mme Conway-Mouret dans le cadre de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. Ils ont également rencontré les présidents de l’UFE et de l’ADFE et reçu des contributions écrites de parlementaires.
Conclusion : même si la CFDT ne partage pas toutes les suggestions de la mission (en tout cas pas l’externalisation à tout va !) elle apprécie la démarche adoptée par ce groupe de travail : tourner le dos à la RGPP, partir de l’essentiel (la Convention de Vienne), regarder ce qui se fait ailleurs, mettre à plat les missions de service public et quand il le faut ne pas hésiter à se poser la question « on fait /on ne fait pas ? ». Les problématiques sont enfin posées sérieusement. La boîte à idées est ouverte.