Le conseiller diplomatique du gouvernement a présidé, le 15 décembre dernier, une réunion de concertation relative à la mise en place, à compter du 1er janvier 2018, du dispositif des « lanceurs d’alerte » au Département. Sont également présents à cette réunion, le sous-directeur de la politique des ressources humaine (RH1), l’adjoint au chef du bureau du dialogue social (RH1D) ainsi que le chef du bureau « référentiels et modernisation » de la direction des systèmes d’information (DSI/MSA/REF). La CFDT-MAE est représentée par Anne Colomb et Thierry Franquin.
- Rappel du cadre juridique existant et à venir des « lanceurs d’alerte »
La procédure des lanceurs d’alerte est prévue notamment par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 et le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017.
La loi dite « Sapin 2 » et son décret d’application
La réunion a pour objet une information sur la protection des lanceurs d’alerte, procédure prévue notamment par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 » (chapitre II) et son décret d’application, le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017, relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l’Etat. Ce décret entre en vigueur le 1er janvier 2018.
L’arrêté relatif à la procédure applicable aux alertes et signalements concernant des agents du ministère
L’arrêté relatif à la procédure applicable aux alertes et signalements concernant des personnels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères sera finalisé après la publication de la circulaire d’application de ce décret, attendue depuis quelques mois, et annoncée pour le 22 décembre 2017. Puisqu’il a été impossible de disposer à temps de ce dernier texte pour une présentation au comité technique ministériel de novembre 2017, cet arrêté fera l’objet d’un examen lors du comité technique du printemps 2018.
- Définition du « lanceur d’alerte » et modalités d’action
Selon l’article 6 de la loi « Sapin 2 » : « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. (…) »
Le lanceur d’alerte est une personne physique de bonne foi signalant des faits graves
Il s’agit donc uniquement de révélations ou signalements, par des personnes physiques de bonne foi, de faits graves.
Le lanceur d’alerte signale les faits à sa hiérarchie ou au référent déontologue
Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci. Ce référent est, au MEAE, le référent déontologue puisque l’arrêté du 4 septembre 2017 relatif au déontologue du ministère de affaires étrangères le charge expressément de ces fonctions (article 8, I de la loi Sapin 2).
La pluralité de destinataires possibles est nécessaire, et garantit la possibilité de lancer une alerte si cette dernière vise un ou plusieurs maillons de la chaîne hiérarchique, le lanceur d’alerte pouvant en toute hypothèse choisir de s’adresser uniquement et directement au référent.
- Délais et typologie des autorités destinataires
Si le destinataire de l’alerte ne réagit pas, et ne vérifie pas sa recevabilité dans un délai raisonnable, l’intéressé peut alors saisir l’autorité judiciaire, administrative ou l’ordre professionnel, puis, en cas de silence de ces dernières, rendre l’alerte publique.
Cependant, s’il existe un danger ou un risque de dommages irréversibles, l’alerte peut être donnée directement auprès de l’autorité judiciaire, de l’autorité administrative, ou de l’opinion publique (article 8 – II de la loi Sapin 2).
Toute personne peut en outre adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte. Le Défenseur des droits a été averti du fait qu’au MEAE, il s’agit du référent déontologue.
- Garantie et protection des « lanceurs d’alerte »
Il doit être précisé que la protection contre les mesures de rétorsion n’est assurée par le MEAE qu’aux agents du ministère, qu’il s’agit de protéger contre leur propre employeur et qu’elle n’a pas d’objet s’agissant d’un lanceur d’alerte extérieur (exemple : un usager d’un consulat ou d’une section consulaire).
Le principe de l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte
Le principe de l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte est posé par l’article 7 de la loi Sapin 2, qui insère ce principe dans le code pénal (article 122-9).
La garantie de la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement
Les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement. Seul l’auteur de l’alerte peut autoriser la divulgation autre qu’à l’autorité judiciaire des éléments de nature à l’identifier. La divulgation permettant d’identifier la personne mise en cause ne peut être faite, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte. La divulgation de ces éléments confidentiels est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Le principe de l’absence de mesure de rétorsion à l’encontre du lanceur d’alerte
L’article 10 , II de la loi, qui modifie l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, pose le principe de l’absence de mesure de rétorsion à l’encontre du lanceur d’alerte, étant observé que le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflits d’intérêt de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal (5 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende).
- Différents modes de saisine du signalement
Deux modes de saisine sont prévus au MEAE. L’un est destinée aux agents du ministère lanceurs d’alerte disposant d’un poste de travail « Eole », l’autre aux agents n’en disposant pas ainsi qu’aux consuls honoraires et aux usagers du service public.
Les deux procédures informatisées interne et externe de signalement
Les agents du MEAE dont le poste de travail n’est pas relié à Eole comprennent les personnels des opérateurs dont l’AEFE, ceux des résidences (cuisiniers, maîtres d’hôtel, employés de ménage) et ceux du réseau culturel et de coopération (Instituts français et IF de recherche) notamment. Ces agents devront lancer leur procédure d’alerte via INTERNET (site Web « France Diplomatie ») contrairement aux agents bénéficiant de l’environnement bureautique « Eole » qui, eux, le feront à partir d’une rubrique dédiée sur Diplonet. Le circuit est schématisé dans le document joint.
Un accusé de réception de l’alerte sera automatiquement généré après que l’utilisateur aura pris connaissance des informations utiles et qu’il attestera, en cliquant sur le bouton dédié, qu’il agit en connaissance de cause.
L’envoi du signalement sera sécurisé (mail crypté). Des renseignements complémentaires pourront être demandés au lanceur d’alerte par le référent déontologue et, dans le cas d’une procédure non « éolisée », l’échange se fera via un protocole spécifique garantissant la confidentialité des échanges.
Vérification de la recevabilité du signalement
Concrètement, les actions du référent déontologue consisteront à s’assurer de la recevabilité de la plainte, notamment si son objet est bien relatif aux faits énoncés à l’article 6 de la loi Sapin 2, et une fois celle-ci établie, à saisir les services compétents : ainsi, par exemple, une alerte sur ce qui est supposé être des malversations dans le domaine consulaire sera relayée, dans les conditions de confidentialité requises, à la DFAE.
La CFDT-MAE, qui a contribué à faire préciser certains aspects pratiques du dispositif – et en particulier le choix pour le lanceur d’alerte d’adresser ou pas son signalement à sa hiérarchie – y voit une procédure équilibrée présentant les garanties nécessaires et qui va dans le sens souhaité d’une plus grande moralisation de la vie administrative.