Le bouleversement statutaire des cadres A+ de notre ministère est l’un des corollaires de la réforme de l’ENA et de la haute fonction publique voulue et initiée par le gouvernement sortant, il y a plus d’un an. Farouchement opposée à la réforme, la CFDT s’est illustrée par de nombreuses actions de communication et d’explication, dans les instances de dialogue social propre au MEAE et dans celles de toute la fonction publique, dans la presse nationale, et auprès des élus de la République.
L’engagement total de la CFDT, s’il n’a pas permis le maintien des deux corps des conseillers des affaires étrangères (CAE) et des ministres plénipotentiaires (MP), a payé. La réforme, telle qu’elle est appliquée, n’est pas celle qui était imaginée par la ministre de la fonction publique. La fusion des deux corps CAE et MP en un corps unique permet une véritable progression de carrière pour celles et ceux qui ne feront pas le choix d’intégrer le corps des administrateurs de l’État (AE). Le maintien d’un concours d’Orient, et la certitude d’un parcours professionnel effectué principalement au MEAE, est une reconnaissance de l’un des plus nobles métiers de la diplomatie. L’accroissement du nombre des promotions internes dans le corps des AE, jamais vu de mémoire de diplomates, avec la garantie d’un maintien au MEAE, sont un gage accordé aux secrétaires des affaires étrangères (SAE). Le maintien, au sein du Département, de la politique de gestion des ressources humaines rassure sur le choix des compétences pour les métiers de la diplomatie, du consulaire, de la coopération et de l’action culturelle, donc de l’expérience et de l’excellence de ses agents.
OUI ! Le dialogue social et la pression exercée par la CFDT-MAE pendant la finalisation de cette réforme ont payé. Nous avons obtenu des avancées pratiques et symboliques importantes qui garantissent que les premiers concernés, les CAE et MP, pourront avoir la carrière qu’ils étaient en droit d’attendre lorsqu’ils ont été recrutés.
NON ! Ces avancées effectives n’effacent pas la direction du gouvernement vers toujours plus d’interchangeabilité. Toutes les fonctions supports se vaudraient. Un agent consulaire serait un agent de mairie comme un autre. Et maintenant un ambassadeur serait un directeur général comme un autre. Et derrière ce premier glissement, tous de voir les sociétés de service en embuscade. Elles fournissent déjà des journées de développeurs informatiques. Demain des comptables et des agents de guichet. Après-demain des sociétés d’assistance rapatriement pour les français en difficulté à l’étranger. Et pourquoi pas des sociétés de conseil en relations internationales ?
Et nous savons bien, parce que nous l’expérimentons tous les jours, que nos métiers, tous nos métiers, d’une complexité inouïe – ce n’est pas pour rien que nos concours sont parmi les plus difficiles – exigent de nous, et de nos familles, un investissement total. Nous savons bien que nous ne sommes pas interchangeables, que nous sommes indispensables. La diplomatie française n’est pas la somme de ses biens matériels fussent-ils élégants, mais la somme des talents de ses agents. La diplomatie française ne produit pas de route ni d’immeuble. Elle fournit l’architecture intellectuelle d’un monde meilleur.
Comme tous les agents de notre grande et belle maison, nous partageons le sentiment de délitement. Toujours, nous nous sommes battus pour que la voix des agents, toujours moins nombreux pour faire toujours plus, dans un monde toujours plus rude, soit entendue et pour que nos métiers soient reconnus.
Notre ministère a été la victime et parfois, syndrome du premier de la classe oblige dans l’ADN de nos cadres, la victime consentante de politiques comptables brutales qui ont laissé, nous ont laissé, tous métiers confondus, en proie à un véritable conflit de valeur. Nous avons dû parfois bruler la charpente pour chauffer la boutique.
L’hémorragie a été arrêtée. Le risque demeure. C’est donc le couteau entre les dents que nous attendons notre prochain ou prochaine ministre. Nous serons vigilants pour faire entendre la voix de tous les agents et défendre sans retenue notre diplomatie.
Pour l’heure, si la CFDT salue l’initiative des quelque 450 agents et des syndicats qui appellent à une grève, elle estime aussi que ce débrayage ne comporte pas d’objectif précis au-delà d’une revendication catégorielle. Cet appel est symptomatique d’un ras-le bol devant le délitement du dialogue social mais il ne fait pas assez écho au sentiment généralisé d’abandon des agents du ministère. L’idée des assises lancée par le collectif est une idée généreuse qui découle directement de cet abandon du dialogue social qui constitue le fondement d’une administration de service public, au MEAE et ailleurs.