Monsieur le Président,
Madame la Directrice, Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs, chers collègues,
- Une méthode particulièrement brutale
L’annonce est tombée un dimanche soir à la télévision : le ministre de l’économie nous explique que la prévision de croissance de la France étant ramenée de 1,4 % à 1 % pour 2024, cela implique de réaliser 10 milliards d’euros d’économie sur le budget de l’État. Trois jours plus tard, le 21 février, le Décret 2024-124 d’annulation des crédits est signé et publié le lendemain même au JORF. Alors que la LFI 2024 avait été définitivement adoptée par les députés six semaines plus tôt, le gouvernement revient sur ce budget sans débat, sans concertation. Avec le recul, on peut raisonnablement s’interroger sur la sincérité de ce budget soumis au vote de la représentation nationale à la fin 2023, tant les perspectives de croissance apparaissaient déjà surévaluées. Dans tous les cas, la méthode n’est pas la bonne et se révèle particulièrement brutale.
Et le ministre de l’Économie et des Finances annonce déjà 20 milliards d’euros en moins en 2025…
Est-ce pour nous préparer au pire l’année prochaine ou bien pour tenter de minimiser les 10 milliards d’économie de cette année ?
Certes, ces déclarations sont savamment calculées et sont à considérer avec recul et perspective. Pour autant, si la France doit absorber une révision à la baisse de sa croissance, aucun débat, par principe et idéologie, ne doit être occulté. Comme la CFDT-MAE le réaffirme avec force et conviction aujourd’hui devant vous, les agents ne sont pas un coût, ils sont au contraire une richesse – et cela est particulièrement le cas au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
- Les agents ne sont pas un coût, ils sont une richesse !
Cette réduction drastique des crédits de fonctionnement, d’intervention, d’investissement et de rémunération cristallise le peu de considération accordée au service public et à ses missions et remet en question le travail des agents de l’Etat dans leur ensemble. Car ce sont bien nos collègues de toutes catégories et de tous statuts : titulaires, contractuels et ADL qui pâtiront à la fois individuellement et collectivement de ces mesures injustes. Au fond, de quelle manière pense-t-on le devenir de l’Etat et de son outil diplomatique, consulaire, culturel et de coopération ? Le regard que l’on porte sur la fonction publique et ses moyens ne révèle-t-il pas la conception plus large que l’on se fait de l’Etat ?
- Notre ministère est malmené et mis à contribution 7 fois ce qu’il représente dans le budget de l’Etat !
Certes, tous les ministères sont concernés, mais on voit bien que le nôtre – à nouveau – est particulièrement malmené et impacté par ces annulations de crédits.
En effet, alors que notre ministère représente moins de 1% du total des crédits alloués à l’ensemble des missions de l’Etat, c’est une réduction de -7% de de ses crédits qui lui est imposé par le gouvernement !
Ainsi, sur les 10 milliards de crédits annulés, 716 M€ concernent le seul MEAE, soit 7% de l’effort exigé de réduction des dépenses publiques !
Grève du 19 mars
C’est la raison pour laquelle la CFDT-MAE appelle l’ensemble des agentes et des agents du ministère des Affaires étrangères à se mobiliser, à se porter gréviste et à manifester le mardi 19 mars pour la défense de nos métiers, de nos rémunérations et de nos parcours professionnels dans un contexte de grave austérité budgétaire.
Il est grand temps de sortir, une fois pour toute, de la logique purement budgétaire et comptable des réformes successives de ces 15 dernières années (RGPP I et II, MAP et AP 2022) qui n’auront servi qu’à obérer la capacité d’action et de réflexion du Département, mettre à mal notre service public de proximité en France et à l’étranger et mettre en danger la santé et le bien-être au travail des personnels.
- Un devoir de transparence vis-à-vis des organisations syndicales et des agents
La CFDT-MAE remercie nos autorités, qui ont endossé le rôle ingrat de devoir mettre en marche ce plan d’économies, d’avoir convoqué rapidement ce CSAM extraordinaire et de nous avoir transmis une note de présentation générale du budget du Département ainsi révisé. Les propos du Directeur DAF, dans son intervention, ont également apporté un éclairage sur l’ensemble des crédits du Ministère. Certes, la note, comme le DAF se veulent rassurants et nous assurent que l’essentiel de l’effort sera absorbé par les crédits déjà mis en réserve et que ni les mesures nouvelles déjà actées, ni les mesures catégorielles prévues (10 M€) et notamment la convergence des salaires des agents titulaires et contractuels, ni l’agenda de transformation du ministère mis en œuvre dans le sillage des états généraux, ni le schéma d’emplois 2024 de +150 ETP ne sont remis en cause. Elle suscite néanmoins en retour des interrogations de la part de notre organisation syndicale sur un certain nombre de sujets.
Une interrogation sur les annulations de crédits HT2
Nous ne reviendrons pas sur la différence constatée sur les montants des annulations des P105 et 151 du tableau des crédits hors dépenses du personnel (130 M€ au lieu de 120 et 9 M€ au lieu de 3,45) qui ont été expliqués par le DAF par la mise en réserve. Toutefois, comparer des montants hors réserve d’un côté et de l’autre des montants après réserve de précaution semble peu logique même si on en comprend bien la finalité.
Création des 700 ETP supplémentaires d’ici 2027
On nous promet la préservation des créations de 150 ETP en 2024 mais quid des années suivantes ? La création annoncée de 700 ETP d’ici 2027 sera-t-elle maintenue ?
La CFDT-MAE craint que les annulations de crédits sur le titre II ne viennent renforcer les projets ou certaines thématiques, jugés prioritaires en haut lieu, en accaparant l’essentiel des créations de poste, au détriment des besoins réels des services en sous-effectif chronique et notoire au sein du réseau et à la Centrale.
Réinternalisation des compétences numériques
Au-delà du schéma d’emplois, la réinternalisation de 10 ETP avait été prévue en 2024 au MEAE concernant les emplois du secteur numérique en contrepartie d’une maîtrise accrue en interne de ses chantiers informatiques et d’une diminution des recours aux prestataires extérieurs. Les économies sur les crédits de masse salariale sont-elles de nature à remettre en cause ces recrutements ?
La même question se pose, par ailleurs, pour les 5 ETP prévus pour renforcer la délégation à l’encadrement supérieur.
Fin du non-cumul de la revalorisation du cadre salarial et au titre du cout-vie
La CFDT-MAE rappelle la mobilisation de 900 recrutés locaux l’été dernier qui ont participé à notre campagne de tracts afin d’obtenir l’arrêt de l’application de la règle de gestion de non-cumul de la revalorisation d’une grille ou d’un cadre salarial et du coût-vie.
L’annonce faite par la Secrétaire générale, au CSAM de novembre dernier, de fin du non-cumul est-il définitivement acté ou bien est-il remis en cause par ces annulations de crédits ?
Revalorisation des grilles et cadres salariaux
Par ailleurs, on nous signale une enveloppe prévue de 6 M€ pour le rattrapage du coût-vie des agents de droit local. Cela inclut-il les ADL du réseau culturel et de coopération hors plafond d’emplois du ministère ? Enfin, un montant pour la revalorisation des grilles et cadres salariaux est-il budgété et sanctuarisé pour 2024 ?
L’enveloppe des IRE est-elle suffisamment calibrée ?
La note semble compter sur la provision de 31 M€ constituée au titre de l’effet-prix sur la masse salariale au sein du budget 2024 ainsi que sur un taux de change favorable (en 2024 comme en 2023, l’euro devrait continuer de s’apprécier), et une réserve légale, constituée à hauteur de 0,5% de la masse salariale, pour prendre en charge l’annulation des 25 M€ des crédits du titre II, tous programmes confondus.
Toutefois, que se passerait-il en cas de renversement de tendance ? L’annulation des crédits du titre II, n’entamerait-elle pas la part des crédits destinés à compenser l’impact de l’inflation et les ajustements trimestriels des IRE seraient-ils toujours mis en œuvre ?
Enfin, la DAF est-elle certaine d’obtenir l’autorisation de la Direction du budget (DB) pour obtenir la levée de la réserve de précaution sur le titre II de 5,57 M€ en cas de nécessité ?
Programme 105 – Action de la France en Europe et dans le monde
On nous indique que les dépenses hors masse salariale du programme 105 seront réduites de 120 M€. Cette annulation est supérieure à la réserve de précaution de 5,5% du programme, qui s’élevait initialement à 81,1 M€.
Certes le budget du programme 105 demeure en hausse modérée par rapport à 2023, mais les annulations ne viendront-elles pas impacter la mise en œuvre de l’agenda de la transformation ?
Si les crédits alloués à l’organisation des grands événements internationaux tels que les commémorations du 80ème anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence et le sommet de la Francophonie ainsi que les moyens alloués au numérique et à la sécurité diplomatique sont maintenus ou préservés, nous regrettons que les crédits réduits de la DIL ne lui permettent plus de réaliser l’intégralité de sa programmation immobilière.
L’administration pourrait-elle nous faire savoir quelles sont les projets et les chantiers immobiliers prévus en France et à l’étranger qui seront annulés ou décalés dans le temps ?
En France, nous pensons notamment aux travaux du QO et à l’extension du site nantais mais aussi au déménagement des services implantés actuellement à CNV vers le nouveau site de Saint-Denis.
Enfin, nous prenons acte que les postes bénéficieront globalement d’une augmentation nette de leur dotation de 7 M€ après mise en réserve et que l’enveloppe allouée aux contributions internationales volontaires et aux opérations de maintien de la paix ont été réduites.
Programme 151 – Français à l’étranger et affaires consulaires
La note indique que le programme 151 hors titre 2 a également vu ses crédits baisser mais que l’annulation des crédits reste inférieure à la réserve légale. Pour la CFDT-MAE, il est essentiel que les crédits soient suffisants pour permettre à la DFAE et à son réseau consulaire de réaliser l’ensemble de ses missions et dans des conditions d’exercice satisfaisantes. En particulier, les crédits destinés aux services consulaires AFE ou visas doivent être maintenus à la hausse pour un fonctionnement optimal.
Programme 185 – Diplomatie culturelle et d’influence
Le programme 185 hors titre 2, quant à lui, subit une annulation de crédits légèrement supérieure à sa réserve de précaution. D’après la note, le programme, qui porte une large part de notre politique d’influence, reste en croissance modérée par rapport à l’année 2023.
D’ores et déjà, les trois opérateurs du P185 (AEFE, Institut français et Campus France) ont vu leur subvention pour charges de service public (SCSP) réduite de 3 M€ pour l’AEFE, de 0,85 M€ pour celle de l’Institut français et de 1,38 M€ pour Campus France. Cette baisse de dotation entraînera automatiquement des arbitrages et des économies à réaliser, quel que soit leur niveau de trésorerie.
Dès lors, on peut notamment s’interroger sur leur capacité à mettre en œuvre les orientations de la politique d’attractivité de la France et atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France » et déclinés dans la Feuille de route de l’influence.
Toutefois, la note précise que notre politique globale d’influence ne serait pas remise en cause : ainsi l’objectif du doublement du nombre de boursiers étrangers continuerait de bénéficier d’une enveloppe en augmentation de près de 6 M€, les moyens des établissements à autonomie financière (EAF) seraient fortement renforcés et les crédits dévolus aux interventions des postes s’accroîtraient de plus de 20 M€. Dont acte.
Programme 209 – Solidarité à l’égard des pays en développement
C’est le programme qui supporte, de toute évidence, la plus grande partie des annulations de crédits soit 540 M€ en moins par rapport aux crédits de la loi de finances initiale 2024.
Dès lors, on peut légitimement s’inquiéter sur le devenir de notre aide au développement qui constituait soi-disant « un enjeu majeur » du budget 2024 et aussi celui des FEF ex-FSPI (Fonds Équipe France).
L’annulation de crédits a été principalement répercutée sur l’aide-projet allouée à l’Agence française de développement (AFD) tandis que l’aide bilatérale de nos ambassades aurait été préservée avec 167 M€ consacrés en 2024 aux divers Fonds Équipe France et 760 M€ alloués à l’aide humanitaire.
Par ailleurs, les contributions versées aux organisations et fonds multilatéraux se maintiendraient à un niveau élevé et permettraient de financer les thématiques prioritaires telles que la santé, l’égalité femme-homme, l’éducation ou encore le climat.
Enfin, nous relevons que la dotation consacrée à la francophonie est considérablement rehaussée et s’élève désormais à 83 M€ notamment pour permettre à la France d’accueillir le prochain sommet de la Francophonie en octobre 2024.
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En conclusion, notre organisation syndicale demande des engagements fermes quant à l’avenir des missions et la pérennité et le renforcement des emplois de ce Ministère qui a déjà perdu la moitié de ses effectifs au cours de ces 30 dernières années.
Au nom de la CFDT-MAE, je vous remercie./.