Notre administration se dégrade de manière inédite. Jamais ce ministère n’a été aussi malmené ni mis à contribution, dans une telle proportion par rapport à ses effectifs dans l’appareil d’Etat. (8 % des efforts demandés, pour 0,7 % des effectifs) –Mais surtout cette dégradation change de nature. Alors, nous nous posons la question : Que voulez-vous faire de ce ministère ? Car vous nous mettez, nous, agents, en danger devant des injonctions contradictoires génératrices de conflits de valeurs.
I – Des injonctions contradictoires
- Une France qu’on veut rayonnante…
C’est vraiment un beau discours qu’on a entendu le 11 novembre sous l’Arc de Triomphe ! un beau discours prononcé devant tous ces hommes d’Etat du monde entier, qui parlait de « cette vision de la France comme nation généreuse, de la France comme projet, de la France comme porteuse de valeurs universelles ». Comme vous sans doute Monsieur le Ministre, nous avons été portés par les mots du Président de la République ce jour-là et nous les avons applaudis.
Mais, le lendemain, nous sommes redescendus sur terre : nous sommes retournés dans nos bureaux, dans nos ambassades, dans nos consulats, dans nos instituts culturels et nous avons retrouvé la réalité d’un certain CF qui donne pour instruction de réduire la masse salariale ici de 7 %, là de 10, là de 13…
Notre administration a transmis la commande, animée, on l’espère, par l’espoir que du terrain viendrait la preuve que là où c’était impossible, il faudrait renoncer et faire autrement : Impossible, faute de moyens humains déjà insuffisants, dans lesquels il est demandé de tailler encore ; impossible, faute de feuille de route, en clair faute de la convention interministérielle dont il n’a pas été débattu, et qui nous mettrait à l’abri du marché de dupes dénoncé lors de nos précédentes interventions. Car le massacre à la calculette a commencé : pour 2019, le réseau extérieur de l’État a été expressément désigné comme cible prioritaire de la politique visant à la réduction des moyens de l’Etat.
- …qu’on prive de son énergie…
Du terrain, les remontées sont plus qu’alarmantes : les transferts d’ETP sont réalisés selon le bon vouloir des autres administrations : on nous transfère la gestion immobilière, celle de l’ensemble des crédits : c’est donc d’intendants, d’acheteurs et de comptables dont on a besoin. Eh bien, non, ce sont en grande majorité des chauffeurs et des secrétaires qui arrivent. On en oublierait presque les seuls trois comptables que les autres administrations transfèrent pour l’ensemble du réseau. … Qu’on veille à la pertinence de la dépense est une chose, que l’on repasse le rabot, là où il n’est que trop souvent passé et repassé, en est une autre. Tout ceci, et cela ne nous a pas échappé, en l’absence de conseiller budgétaire dans votre cabinet.
- …en attaquant ses agents, leurs métiers et leur statut
Au fond, de quelle manière pense-t-on le devenir de l’Etat et de sa diplomatie, car la conception de la fonction publique révèle la conception de l’Etat. Se pose donc la question du statut, pour nous, employés de l’Etat, qui par nature n’est pas un employeur comme les autres. Or ce statut fait l’objet de menaces inacceptables, voire d’un détricotage déjà en marche, cf. le contesté décret des 22 consuls généraux.
Dans ce contexte violent comme jamais, comment faire bien le travail assigné au service public, en particulier au service public régalien, quand on nous demande l’impossible ?
Un agent de ce ministère ne peut, dans ces conditions, que se trouver en conflit de valeurs.
II –Un conflit de valeurs
Qui nous frappe tous, et à tous les étages : celles et ceux de notre communauté de travail qui sont chargés de l’encadrement supérieur, et qui, en première ligne, reçoivent ces commandes brutales. Ils les répercutent sur des agents, qui, à leur tour reçoivent commande de trancher dans le vif sur le terrain, dans leurs équipes. On en vient au chef de SCG, gratifié au passage de la glorieuse appellation de secrétaire général d’ambassade, qui doit se servir de sa calculette pour priver le poste qu’il a pour mission de faire fonctionner, de celles et ceux qu’il lui faudrait pour ce faire. On en arrive aux agents de catégorie C, variable d’ajustement des réformes successives, et aux recrutés locaux, qui vont prendre celle-ci de plein fouet.
Quant à ceux qui restent, beati manentes ? Pas sûr car
Qui met en danger notre santé
Sur le terrain, et nous les relayons dans les instances dédiées aux conditions de travail, on voit bien que partout les collègues craquent : Horaires qui dépassent l’entendement, dérives managériales, doubles voire triples casquettes qui n’en peuvent plus, burn out, phénomènes maintes fois dénoncés, parfois résolus, mais toujours recommencés.
Et qui met donc aussi en danger l’exécution de nos missions et la qualité du service public, dans un réseau que l’on veut universel.
En conclusion, la CFDT vous demande une nouvelle fois de prendre vos responsabilités et de jouer votre rôle dans la défense de votre administration, en danger d’implosion dans ce contexte de mépris pour la fonction publique en général, et du Département en particulier. Pour nous, il est évident que c’est à ce ministère de porter de par le monde les valeurs énoncées par le Président de la République.
Donnez-nous des preuves que, vous aussi, vous en êtes convaincu.