Le comité technique ministériel (CTM) s’est réuni en session extraordinaire le 25 février 2022 en mode hybride pour examiner quatre projets de décret et trois projets d’arrêté en lien avec la réforme de la haute fonction publique (HFP) et la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères (CAE) et des ministres plénipotentiaires (MP) -Lire l’article du Monde. Les syndicats USASCC et FO-FSU ont boycotté ce CTM.
Réforme de l’encadrement du MAE, le ministre détaille les garanties obtenues
Jean-Yves Le DRIAN ouvre la séance en précisant qu’il ne pourra pas rester plus d’une heure car il doit se rendre ensuite à Bruxelles pour une réunion des MAE au sujet de l’invasion de l’Ukraine. Il souligne « l’extrême gravité de cette crise sur le sol de notre continent » et rend hommage à l’action de l’ambassadeur et de son équipe à Kiev. Puis il évoque la réforme en affirmant que les textes à l’ordre du jour du CTM « viennent concrétiser les engagements pris devant vous ». « Les garanties que nous avons obtenues se traduisent par des textes réglementaires qui seront publiés avant la fin de la législature ».
La première garantie consiste à préserver le concours d’Orient en A+. Les lauréats, après avoir effectué une partie de leur scolarité à l’Institut national du service public (INSP) rejoindront automatiquement le MAE. Un décret sera publié en avril en même temps que le décret créant la voie d’accès généraliste à l’INSP.
La deuxième garantie concerne « la préservation des carrières de MP et de CAE ; « l’option est un vrai choix et non une contrainte. La fusion des deux corps interviendra le 1er juillet prochain. La grille indiciaire sera plus favorable qu’actuellement ».
La troisième tient au fait qu’un agent, s’il le souhaite, pourra faire une carrière entière au MAE. « Après avoir obtenu, dans le décret créant le corps des administrateurs de l’Etat (AE), de pouvoir garder en gestion nos agents dans la limite de six ans lorsqu’ils sont en mobilité, nous avons pu inscrire, dans le décret statutaire de 1969, le principe selon lequel les lignes directrices de gestion (LDG) interministérielles de l’encadrement supérieur seront complétées par des LDG ministérielles. »
En quatrième lieu, « j’ai obtenu que le nombre de nos emplois de chefs de service et de sous-directeurs soit augmenté. Par ailleurs, nos postes de numéros deux les plus importants seront désormais reconnus comme des emplois de direction de l’Etat. »
Enfin, « j’ai obtenu des avancées très significatives pour les secrétaires des affaires étrangères (SAE) et les attachés des systèmes d’information et de communication (ASIC). C’était pour moi une ligne rouge dans la négociation : il n’était pas question que ces agents soient les victimes collatérales d’une réforme qui ne les concerne pas. Leurs perspectives de promotion dans le corps A+ seront très nettement améliorées, d’une part, un tour extérieur exceptionnel de 40 places par an sera mis en œuvre en 2023 et 2024, et d’autre part, ils bénéficieront, à compter de 2025, d’un vivier spécifique de tour extérieur, avec un nombre de promotions très supérieur au nombre de 12 nominations par an qui prévalait jusqu’à présent. » Les conditions d’éligibilité ne changeront pas (quatre ans dans le grade de principal). « La seconde avancée réside dans la création d’un troisième grade dans ces deux corps, qui donnera des perspectives indiciaires et indemnitaires nouvelles aux agents qui ne pourraient être promus dans le corps des AE. Par ailleurs, pour renforcer encore la diversité de nos recrutements, nous allons créer une troisième voie d’accès au corps de SAE, qui permettra notamment aux agents de droit local de se présenter. »
Réforme des RH du MAE, au bénéfice de tous les agents
Le ministre revient sur la réforme des RH du MAE « conçue dès 2019 pour tous les agents. Elle part d’un constat : les agents ont été éprouvés par la réduction des moyens du ministère imposée depuis deux décennies et ils s’épuisent pour faire face à des missions qui vont croissant. Elle embrasse tous les aspects de la carrière des agents : le recrutement, la formation initiale et continue, les promotions de grade et de corps, les affectations, la mobilité, les réorientations professionnelles. Elle repose sur trois piliers : un effort particulier sur la formation, un impératif d’ouverture et de projection de nos compétences et la fluidification des parcours professionnels pour tous les agents. » Les principales mesures concernent :
- La création de l’Ecole pratique des métiers de la diplomatie « que j’inaugurerai officiellement le 14 mars prochain » et qui naîtra de la fusion des structures de formation existantes. « En complémentarité avec l’INSP, elle permettra un recentrage opérationnel sur l’acquisition et l’actualisation des savoir-faire propres à l’exercice des métiers de la diplomatie. »
- Une enveloppe budgétaire de 30 M€ est inscrite en loi de finances 2022 qui bénéficiera « à tous les agents quels que soient leur statut et leur catégorie. » : 9,3 M€ iront à un effort sans précédent sur les rémunérations : les primes d’administration centrale seront revalorisées de 20% pour tous les agents ; près du tiers de l’enveloppe sera consacré aux agents de catégorie C, dont les primes augmenteront en moyenne de 24 % ; le plafond du CIA des agents de catégorie C sera augmenté de 120 € pour atteindre le plafond interministériel. Les grilles des SESIC augmenteront en moyenne de 32% et celles des ASIC de 37 %. La rémunération des agents contractuels en poste à l’étranger sera alignée sur celle des agents titulaires lorsque les fonctions exercées sont identiques. Un effort important va être réalisé pour harmoniser les rémunérations des ADL sous plafond d’emplois du ministère et pour accélérer la convergence des rémunérations entre des ADL des établissements à autonomie financière avec celles de leurs homologues du réseau des ambassades. « Comme je m’y étais engagé devant vous lors d’un précédent CTM, un effort très significatif va être fait sur le logement social, avec une dotation de 4 M€ supplémentaires. »
- « Enfin, une nouvelle version du plan de prévention des risques psychosociaux (RPS) de notre ministère, à l’élaboration de laquelle vous avez été associés et qui prend en compte de
nouvelles réalités, comme le télétravail. Par ailleurs, les agents dont un enfant est porteur d’un handicap peuvent prétendre, depuis la rentrée scolaire de septembre 2021 à la prise en charge, sur les crédits des conseils consulaires pour la protection et l’action sociale (CCPAS), des accompagnants à la scolarisation pour les enfants en situation de handicap qui y ont droit dans les établissements homologués par le ministère de l’Éducation nationale, la condition de boursier ayant été supprimée. »
Réforme du décret de 69
Le premier texte soumis à l’avis du CTM concerne principalement la création du corps d’extinction de CAE et MP et les recrutements et les carrières des SAE et des ASIC.
La CFDT prend la parole pour rappeler sa feuille de route revendicative sur les questions de recrutement, de formation initiale et continue, du droit d’option, de la sécurisation des parcours professionnels, de la fonctionnalisation des emplois, des promotions et de l’accès au corps des AE. « Notre organisation syndicale considère que ce n’est pas du corporatisme que de vouloir des diplomates formés, expérimentés et professionnels au service de notre influence et de nos intérêts en Europe et dans le monde : c’est œuvrer à la crédibilité de notre pays sur le plan international. La CFDT-MAE prend acte de la fusion des corps des MP et CAE dans un nouveau corps d’extinction et leur reclassement, à grade identique, à l’échelon comportant un indice égal ou immédiatement supérieur. Notre organisation syndicale (OS) relève dans ce projet de décret, qui constitue l’ossature du futur statut d’emploi des diplomates, et les annonces que vous venez de faire en séance, un certain nombre de points positifs :
Pour les CAE et les MP, la création dans ce nouveau corps d’extinction, pour chaque grade, d’un échelon sommital supplémentaire, évitant ainsi les blocages indiciaires des agents ayant atteint le sommet de leur grade, le choix d’option et la possibilité de faire une demande de détachement par la suite lorsque le délai est dépassé bien que nous souhaitions un délai plus long, les parcours professionnels identiques à ceux qu’ils avaient avant la réforme pour les collègues qui auront choisi de rester dans leur corps d’origine et le maintien du concours d’Orient pour les AE qui constitue toujours une voie d’accès direct au MEAE.
Pour les SAE et les ASIC, le maintien des concours des cadres général, d’Orient et d’administration pour les SAE, la forte amélioration du nombre de promotions des SAE et ASIC principaux dans le corps des AE en 2023 et 2024 – nous comprenons que ce nombre, divisé par deux, restera néanmoins bien supérieur à celui qui a prévalu ces dix dernières années à partir de 2025 -, un examen professionnel du principalat rendu plus accessible et moins académique, la création du troisième grade et que des réelles possibilités d’emplois fonctionnels soient accessibles aux agents de ce grade.
Néanmoins, ce texte, outre la réécriture partielle du décret 69-222 relatif au statut des agents diplomatiques et consulaires, comporte un certain nombre de dispositions modificatives du décret du 31 décembre 2019 fixant et organisant les emplois de direction de l’Etat. Parmi celles-ci, nous relevons qu’en plus des emplois de chefs de postes consulaires, déjà soumis au statut règlementaire des emplois de direction de l’Etat, c’est-à-dire ouvert à des fonctionnaires et des personnels recrutés sur contrat qui ne possèdent, selon nous, ni la formation ni l’expérience diplomatique et consulaire nécessaires à l’exercice de ces fonctions, quelque 80 emplois d’adjoint au chef de mission diplomatique comportant au moins 40 ETP figurent désormais parmi les emplois de direction. La CFDT-MAE qui avait, en son temps, exercé un recours devant le Conseil d’Etat et obtenu l’annulation de 21 emplois de consul général sur les 22 ajoutés à la liste des emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du gouvernement (art. 25), ne peut aujourd’hui se satisfaire, au-delà de l’ensemble des emplois de CG, de l’ouverture de 80 postes supplémentaires de numéro 2, à des agents non formés et non préparés aux métiers diplomatiques et consulaires, dont ils ignorent les contraintes, l’engagement que cela requiert et les choix de vie personnelle et professionnelle que cela implique pour eux et leur famille. De même, la CFDT-MAE regrette, puisque ce texte modifie le décret 2019-1594 relatif aux emplois de direction de l’État, que notre ministère n’en ait pas profité pour accorder aux ASIC principaux, par similitude avec leurs collègues SAEP, la possibilité d’accéder à certains emplois fonctionnels de sous-directeur (titre III de l’article 26), en particulier au sein de la direction du numérique DNUM. Dès lors, compte tenu des deux points juridiques que nous venons de souligner et nonobstant les éléments positifs que nous avons relevés, la CFDT-MAE votera contre ce projet de texte. »
A noter, l’UFFA-CFDT, qui participait au Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat (CSFPE) au même moment, a voté elle aussi conte ce texte.
Les autres OS présentes au CTM (ASAM-UNSA, CFTC et CGT) ayant émis elles aussi un vote négatif, ce texte sera représenté lors d’un nouveau CTM le 9 mars prochain.
Grille indiciaire du corps des CAE et MP
La CFDT indique que, par cohérence avec son vote négatif au point précédent, elle s’abstient sur ce projet de décret.
Échelonnement indiciaire des ASIC et des SAE
L’expert de la CFDT fait remarquer que « la création d’un nouveau grade dans les corps de SAE et ASIC, aligné sur ce qui existe en interministériel, soulève de nombreuses questions. Si d’un côté, la perspective d’une extension de l’avancement à l’ancienneté présente un intérêt certain, la création d’un troisième grade est vécue comme une étape supplémentaire dans les parcours des agents. L’image du plafond de verre est soulevée par de nombreux collègues, dont les perspectives de carrière s’éloignent toujours davantage. Il faut rappeler la spécificité du ministère, où CAE et SAE occupent pendant une partie importante de leur carrière des fonctions identiques. De nombreux agents, notamment les plus jeunes, voient dans cette création la marque du décrochage définitif entre ces deux corps. Se poseront plusieurs questions : d’une part, la capacité du ministère à valoriser la richesse de ses profils et à offrir des perspectives de carrière valorisantes et motivantes pour ses agents déjà recrutés. A ce titre, quelles fonctions pourront occuper les SAE/ASIC hors classe ? D’autre part, la capacité du MAE à continuer à attirer les talents alors que l’attractivité du concours des SAE/ASIC sera nécessairement affectée. Compte tenu des nombreuses interrogations soulevées, la CFDT s’abstient sur ce projet. »
Liste des emplois d’adjoint au chef de mission diplomatique
Notre expert déclare que en ligne avec notre vote sur le projet de modification du décret de 1969, nous ne pouvons pas soutenir ce projet. La CFDT n’est pas favorable à la poursuite de l’extension de la fonctionnalisation et des nominations discrétionnaires. Le ministère dispose d’un grand vivier d’agents compétents, qui font leurs preuves tous les jours dans des situations souvent difficiles. Nous rappelons que même aux États-Unis, pays chantre du « spoil system », les nominations politiques au niveau ambassadeur sont systématiquement secondées par des diplomates de carrière chevronnés. La liste transmise nous laisse en outre perplexe, avec des postes comme l’Afghanistan, l’Irak, le Mali, Haïti ou l’Ukraine. Les collègues en première ligne dans ces contextes et ailleurs apprécieront cette nouvelle marque de considération pour leur compétences spécifiques. Enfin, on peut se demander quel sera l’impact de cette fonctionnalisation sur le nombre de postes destinés aux agents SAE, alors même qu’un nouveau grade est censé être créé. Pour toutes ces raisons, la CFDT votera contre ce projet. »
École pratique des métiers de la diplomatie
La CFDT estime que « la création de cette nouvelle école est une bonne nouvelle dès lors qu’elle sera apte à renforcer le savoir-faire de nos métiers au MEAE. Cependant des inquiétudes remontent, notamment de la sous-direction RH4, sur le périmètre et les missions de cette école. La CFDT souhaite vérifier que cette école ne signifie pas la mise en place d’un plan social. L’ensemble des acteurs (IDC, IFAAC…) seront-ils embarqués dans le nouveau navire ? Les formateurs linguistiques seront-ils cédéisés ? Une réduction du périmètre de l’école serait incompréhensible alors que le ministre vient de confirmer le rôle de l’école et sa complémentarité avec l’INSP pour la formation des AE. Le caractère interministériel de l’EPMD fait peser le risque qu’elle prenne son autonomie. Devant ces incertitudes, la CFDT-MAE s’abstiendra sur cet avis formel.»
Recrutement de SAE, d’ASIC et de traducteurs dans le corps des AE au titre des années 2023 et 2024
Les deux derniers textes examinés en CTM, qui concernent la promotion de 40 agents en 2023 et 40 en 2024 ne sont pas soumis au vote du CTM mais ont été examinés en CSFPE (pour = UNSA, CFDT et CGC, contre = CGT, Solidaires et abstention = FO et FSU)./.