La CFDT-MAE souhaite remercier tous les agents, adhérents ou non, ayant répondu à ce questionnaire !
Au mois de juin dernier, le syndicat CFDT-MAE a lancé une vaste enquête sur les pratiques managériales au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. L’idée de base, en proposant ce questionnaire inter-catégoriel et inter-statutaire, était de pouvoir disposer d’éléments concrets, recueillis à travers les expériences individuelles des agents de ce Ministère, afin de nourrir et d’étayer les revendications du syndicat en ce domaine et notamment de pouvoir démontrer qu’un mauvais management constitue une source importante d’absentéisme et d’inefficacité des services.
Les enjeux de cette enquête dépassent donc la seule question – déjà importante s’il en est – de la qualité de vie au travail.
Une réalité contrastée des pratiques managériales
En toute honnêteté, les résultats de l’enquête témoignent, pour certains aspects de la fonction managériale, d’une pratique des managers évaluée plutôt favorablement par les agents. Ainsi, vous avez été nombreux à relever, chez vos encadrants, un suivi rigoureux des dossiers et leur priorisation, une ouverture d’esprit à des initiatives de la part de leurs collaborateurs ainsi que d’une approche ouverte aux innovations. A l’inverse, de nombreuses autres facettes du management, révélées à travers les résultats de cette enquête, sont jugées beaucoup moins positivement. Et même, dans certains cas, les réponses de l’enquête font ressortir une situation très préoccupante, par exemple en matière de capacité à gérer les conflits.
Bien évidemment, pour la CFDT-MAE, il ne s’agit pas de retirer aux encadrants leur autorité. Au contraire, il conviendrait même dans certains cas de la renforcer ! Mais encore faut-il que cette autorité soit bienveillante et motivante, fondée sur des qualités d’équité, de justice et de valorisation des personnels et non pas tributaire d’affinités ou de préférences personnelles, ou bien encore sujette à fluctuation en fonction de la capacité des managers à conserver leur calme et la maîtrise de leurs nerfs.
D’aucuns vous diront que les managers exercent un métier difficile car ils doivent composer avec une pression constante, de la part de leur propre hiérarchie mais aussi parfois des élus et des autorités administratives et politiques.
Certes, cela est exact et pourtant il existe de bons encadrants, nous en avons tous rencontré !
I. Agentes et agents ayant répondu au questionnaire : des situations personnelles et des origines diverses
L’enquête s’est déroulée de la fin du mois de juin à la mi-juillet 2024 et a concerné l’ensemble des agents du Département, en France et en poste. Elle a recueilli 726 réponses, ce qui nous autorise à en tirer un certain nombre de constats significatifs.
Plus de 60 % des agents ayant répondu sont des femmes, un peu moins de 40 % sont des hommes.
L’analyse des résultats de cette enquête fait apparaitre un échantillon de réponses relativement équilibrées tant par leur répartition géographique qu’en ce qui concerne les origines administratives des sondés.
Ainsi, près de 40 %des agents qui ont répondu sont affectés à l’administration centrale (278), les autres (448 soit plus de 60%) étant affectés à l’étranger en ambassade, consulat, représentation permanente ou bien en EAF.
Parmi les titulaires et fonctionnaires, près de 7 % appartiennent à la catégorie A+ (50), 14,3 % à la catégorie A (104), 15,4 % à la catégorie B (112) et 28,1 % à la catégorie C (204). Les autres agents sont contractuels CDD/CDI à hauteur de 12,3 % (89), agents de droit local pour 21,3 % (155), VI ou apprentis (12).
La répartition est également relativement équilibrée en termes d’ancienneté au Département : les agents sont 234 à avoir plus de 20 ans d’ancienneté, soit 32 %, 285 ont entre 5 et 20 ans d’ancienneté, soit 39 %, et 207 ont de moins de 5 ans d’ancienneté soit 28,5 %.
II. Un déficit d’information en matière de dialogue social
La première constatation qui s’impose est que les agents, dans leur ensemble, ne sont pas suffisamment informés de l’existence d’un dialogue social ayant vocation à faire progresser leurs conditions de travail, en particulier à l’administration centrale.
Ainsi, plus des deux tiers des agents affectés à l’administration centrale (67,5 %) indiquent ne jamais être informés par leur hiérarchie de la tenue des instances de dialogue social.
A l’étranger, la situation est un peu meilleure puisque seul un tiers des agents admet ne jamais avoir la possibilité de s’exprimer à travers les instances de dialogue social.
Cette situation pose question et peut s’expliquer de deux manières :
- Soit la connaissance du dialogue social, en tant que vecteur de progrès social au travail, est faible et dans ce cas une meilleure information de l’ensemble des acteurs (hiérarchie directe, mais aussi syndicats, DRH, associations) est nécessaire ;
- Soit les agents connaissent l’existence du dialogue social mais ils craignent de porter leurs revendications dans ce cadre ou bien ils doutent de son efficacité pour améliorer leur rémunération et leurs conditions de travail. Cette situation est alors révélatrice d’une remise en cause du lien de confiance entre l’administration et ses agents, avec un risque fort, à termes, de désinvestissement et de retrait des personnels par rapport à leur activité professionnelle et d’apparition de RPS (absentéisme, départ à la retraite anticipée, maladies professionnelles).
Et pourtant, à travers cette enquête, on s’aperçoit que les agents ont de nombreuses propositions concrètes à formuler, qui pourraient contribuer à améliorer leur situation, mais aussi l’efficacité de l’action publique. Parmi ces propositions, celle qui recueille le plus de voix est un meilleur partage du travail (307), davantage d’écoute de la part de la hiérarchie (288) et une meilleure cohésion des équipes (284).
III. Certains aspects du management au Département semblent aujourd’hui ressentis plutôt positivement par une majorité d’agents, et c’est une bonne nouvelle
D’abord, soyons honnêtes : l’enquête sur les pratiques managériales nous a réservé quelques bonnes surprises, résultat sans doute de l’amélioration des formations au management et, dans certains cas, de pratiques et de critères de sélection plus rigoureux des candidats aux fonctions de managers.
Ainsi, tant à l’étranger qu’à l’administration centrale, les agents sont près de 60% à affirmer que leur hiérarchie parvient peu ou prou à hiérarchiser les priorités dans le travail.
Si ce chiffre peut paraitre rassurant, il reste tout de même plus de 40% d’agents pour dire que leur hiérarchie ne sait pas hiérarchiser ces priorités. Elle ne le ferait même jamais dans plus de 16 % des cas !
De la même façon, il faut se réjouir que les agents interrogés soient plus de 63 % à estimer que leur hiérarchie sait filtrer les demandes qui ne concernent pas la structure qu’ils dirigent.
Et c’est encore mieux pour ce qui concerne le suivi des dossiers : les agents sont près de 70 % à estimer que leur hiérarchie exerce un suivi, attentif ou ponctuel, sur les dossiers traités. Ce suivi, pour plus de la moitié des répondants, est susceptible de les aider efficacement à résoudre des difficultés ponctuelles. Avec une réserve cependant : dans un tiers des cas, les agents estiment que les informations données par la hiérarchie, pour résoudre un problème ponctuel, sont inutiles, voire contre-productives !
Une autre bonne surprise est le constat que les agents ne sont que 9 % à considérer que les délais fixés par la hiérarchie pour accomplir une tâche sont irréalistes, même s’ils sont près de la moitié à regretter que ces délais soient trop brefs.
Par ailleurs, ils ne sont que 12 % (89) à se plaindre de n’avoir jamais l’autonomie suffisante pour prendre des initiatives. Une courte majorité d’agents (51,5 %) estime même que leur hiérarchie est susceptible, dans certaines circonstances, de les encourager à prendre des risques et de tirer des leçons de leurs erreurs.
La CFDT-MAE ne peut que s’en féliciter !
Plus des deux tiers des agents, soit 67,4 %, estiment que leur hiérarchie est ouverte à de nouvelles idées, notamment à des innovations.
Enfin, signalons encore un bon point pour les chefs de postes et leurs adjoints : plus de 70 % des agents indiquent que leur hiérarchie, y compris le chef de poste, sait se rendre toujours ou généralement accessible lorsqu’ils demandent à la rencontrer, et ce, malgré des conditions parfois délicates.
IV. En dépit de ces éléments encourageants, des efforts doivent encore être poursuivis dans plusieurs domaines
Ainsi, tant à l’administration centrale qu’à l’étranger, les agents ne sont que 41 % pour considérer que leur hiérarchie affiche toujours ou souvent des priorités de travail claires (302).
A l’inverse, plus de 58 % estiment que la hiérarchie n’affiche que parfois, voire jamais, de priorités de travail claires. La marge de progression reste donc importante en ce domaine.
Est-ce si difficile d’expliquer clairement aux agents en quoi consistent leurs objectifs de travail pour les mois ou les années à venir ?
Par ailleurs, même s’il faut se féliciter de la disponibilité de la hiérarchie, les agents sont malgré tout un peu plus d’un tiers (264) à se plaindre d’une absence d’écoute de cette même hiérarchie en cas de difficulté d’ordre professionnel ou personnel.
Encore plus étonnant, voire décevant, ils sont même 55,1 % à indiquer que leur hiérarchie ne leur parle jamais (ou rarement) des possibilités d’évolution de carrière au Département. A l’heure où l’idée est d’attirer et de fidéliser les agents et de valoriser leurs parcours au Département, tout cela plaide pour encourager la hiérarchie à entamer dès à présent et de manière régulière un dialogue avec les agents sur ces sujets !
En ce qui concerne la gestion du stress par les managers, qui est une qualité fondamentale dans un Ministère comme le nôtre, les avis des agents sont relativement partagés :
- Ainsi, ils sont 432 agents, soit près de 60 %, à considérer que leur supérieur hiérarchique sait bien ou assez bien gérer une situation stressante ;
- En revanche, plus de 40 % estiment que leur supérieur hiérarchique devient agressif et méprisant lorsqu’une situation de stress se produit, communique son stress aux membres de l’équipe ou, ce qui n’est pas mieux, garde tout pour lui quitte à en tomber malade !
Ce résultat montre que la direction des ressources humaines a encore beaucoup de progrès à réaliser dans ce domaine, que ce soit pour améliorer sa politique de sélection des candidats pour une affectation sur des fonctions d’encadrement ou pour dispenser systématiquement aux futurs managers une formation de qualité à la gestion des équipes.
S’agissant de la vie personnelle et familiale et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il est à noter que si la moitié des agents considère que leur hiérarchie prend au sérieux tout ce pan de leur existence, une autre moitié (50,6 %) estime que cette hiérarchie n’y accorde pas d’attention particulière. Plus grave encore, près d’un quart des agents (23,6 %) estiment que leur hiérarchie ne s’implique pas et ne remplit pas ses obligations de manager !
Sur ce dossier également, la DRH et les encadrants disposent d’une réelle marge de progression !
V. Mais il y a plus grave…Sur certains aspects pourtant essentiels de la fonction managériale, les constats sont véritablement accablants
Le constat est ainsi particulièrement sombre s’agissant de l’évaluation de la surcharge de travail et la résolution des situations conflictuelles :
- Il est par exemple totalement inacceptable de constater que près de la moitié des agents (338, soit 46,5 %) indiquent que leur hiérarchie ne se préoccupe aucunement des surcharges de travail temporaires qui peuvent les affecter !
Ils sont seulement 182, soit 25 % de l’ensemble des agents sondés, à déclarer qu’en cas de surcharge de travail, leur hiérarchie prend des mesures adaptées (redéploiement de la charge de travail, recrutement de vacataires).
Ce point est sans nul doute un sujet sur lequel les futurs chefs de service doivent être sensibilisés et correctement formés et faire l’objet d’une évaluation régulière et vigilante de la part de la DRH !
- Autre point important dénotant un comportement inapproprié d’un véritable encadrant, mais aussi et surtout un désinvestissement de leur rôle de manager : plus de 41 % des agents estiment qu’en cas de situation conflictuelle, leur supérieur hiérarchique évite de prendre parti, quitte à laisser la situation se détériorer !
Et ce n’est pas tout : ils sont près de 20 % à considérer que dans les cas où ils interviennent, leur comportement est inadapté et les conduit à détériorer la situation ! Cela signifie que les agents interrogés sont plus de 60 % à estimer que leur hiérarchie est totalement inapte à résoudre une situation conflictuelle !
L’expérience des diverses situations auxquelles la CFDT-MAE est confrontée sur le terrain montre également qu’il existe en effet une véritable carence des encadrants à ce niveau-là.
S’il est vrai que la résolution d’un conflit peut prendre du temps et nécessite des nerfs solides et une bonne maîtrise du stress, il est de la responsabilité d’un encadrant de s’investir et de gérer la situation. Soyons très clairs : si un encadrant n’a pas les moyens de prendre en charge une question qui relève de sa responsabilité et peut rapidement se dégrader, entrainer de l’absentéisme et un dysfonctionnement de son service, il n’a alors pas sa place dans un emploi de manager !
Et n’oublions pas que les chefs de service sont responsables pénalement et administrativement de la sécurité des agents qu’ils ont sous leur autorité.
D’ailleurs, parmi les encadrants ayant eux-mêmes répondu à ce questionnaire, ils sont plus de 16 % à reconnaître que leur propre méthode de management n’a pas toujours donné satisfaction, ce qui témoigne d’une certaine prise de conscience et d’un recul a posteriori sur leurs pratiques de managers.
En conclusion
- Plusieurs points positifs sont à relever à l’occasion de cette enquête et notamment une hiérarchie relativement attentive au suivi des dossiers, qui sait globalement les prioriser, voire les filtrer. Une hiérarchie, par ailleurs, qui sait se rendre disponible pour les agents bien que son écoute laisse parfois à désirer, qui laisse de l’initiative à ses subordonnés et encourage leurs propositions d’innovations. Ce constat positif est-il le résultat des actions de formation et des outils d’évaluation mis en place par la DRH ?
- Néanmoins, il existe encore une marge importante de progrès pour améliorer la qualité de l’information transmise par l’encadrement sur le dialogue social et pour renforcer les compétences des managers à exprimer des objectifs de travail clairs à leurs collaborateurs, à apprendre à gérer leur stress, accroître leur implication dans la prise en compte des difficultés personnelles et professionnelles des agents et à s’intéresser réellement à leur équilibre vie privée – vie au travail !
- Enfin, en particulier en ce qui concerne l’engagement nécessaire des managers dans l’organisation du travail des collaborateurs – en cas de surcharges des tâches et des dossiers à traiter – et leur aptitude à gérer les conflits internes, il y a urgence à intervenir. En effet, sur ces deux items, il s’agit non pas simplement d’améliorer mais de revoir en profondeur la qualité du management exercé. La mise en place rapide d’actions de formation spécifiques dans ces domaines serait la bienvenue, y compris celles accessibles en ligne pour nos collègues de l’étranger.
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Malgré certains points positifs indéniables, les résultats de l’enquête montrent qu’il existe encore des progrès notables à réaliser et des objectifs ambitieux à se fixer, notamment en termes de formation et d’évaluation sincère et objective des encadrants, visant à améliorer la gestion des équipes au Département.
Il s’agit, en particulier, de promouvoir l’organisation équilibrée des services et le partage équitable et proportionné du travail, l’écoute attentive et empathique des collaborateurs, la flexibilité dans l’amélioration des conditions de travail, le soutien constructif dans l’accomplissement des tâches, la recherche d’une cohésion accrue des équipes, les retours plus fréquents aux agents sur le travail effectué et l’organisation de moments bienvenus de convivialité. Bref, redonner du sens individuel et collectif au travail et veiller à la bienveillance et à la reconnaissance des agents dans le cadre de relations hiérarchiques apaisées et confiantes.
La CFDT-MAE revendique avec force, depuis de nombreuses années, une meilleure prise en compte, par la DRH, de la capacité managériale des encadrants dans leur progression de carrière, la qualité du management constituant un rouage essentiel du bien-être et de l’épanouissement des agents au travail et conditionnant, par là-même, l’efficacité de notre action collective au sein du Ministère.
La CFDT-MAE continuera à être particulièrement exigeante et vigilante sur ces questions et à encourager l’administration à progresser dans la bonne direction, pour permettre à tous, quel que soit son statut et son grade, de profiter d’une meilleure qualité de vie au travail et de se sentir valorisé au sein d’un projet collectif porteur de cohésion professionnelle et sociale.