Tout se passe désormais comme si, le temps passant, nous nous accommodions d’un ministère de plus en plus éclaté et polymorphe.
Des opérateurs sans véritable tutelle
On le voyait déjà avec la multiplication des opérateurs dotés d’une tutelle plus ou moins lâche, qui certes laisse la bride sur le cou aux responsables mais dont la liberté acquise se transforme rapidement en distance, au risque de l’abandon ou de la dérive.
Une multiplication des formats
On le voit depuis un moment avec la multiplication des formats : postes à format d’exception, à format normal, à petit format, Poste à Présence Diplomatique, bureaux de France, Consulats d’influence, Consulats/Instituts. Une modularité que ne renieraient guère les concepteurs de monospaces et de cuisines équipées.
Un kaléidoscope de statuts des agents
On le constate encore avec le kaléidoscope, qui certes ne date pas d’hier, des statuts des agents : titulaires, contractuels, détachés sur contrat ou détachés de rien, CDD, CDI, vacataires, recrutés locaux, recrutés Paris, en mobilité, pas mobiles ou ultra-mobiles, résidents, et on en passe.
Des méthodes « innovantes » de gestion
Pour pallier la pénurie, les méthodes de gestion doivent être constamment innovantes : Partenariat Public-Privé, colocalisations, mécénat – à quel prix ? – pour le financement du 14 juillet et désormais pour les gros travaux, innovations comptables, ultra-polyvalence au nom des gains de productivité (l’autre nom du travail de trois personnes recentré sur un seul agent à rémunération constante), prestataires à gogo, dématérialisation parée de toutes les vertus (sauf celle d’ajouter des yeux supplémentaires à l’agent in fine traitant), etc.
L’indispensable adaptation du Département
L’indispensable adaptation du Département à un monde dont l’accélération est réputée irrépressible prendrait finalement presque les contours du panorama mondialisé des entreprises, à l’instar du thème de la start-up, valorisé et martelé à satiété. On pensait pourtant l’intérêt général et la défense des intérêts du pays un peu moins subordonnés aux référentiels de la station F, du business comme fin ultime, et des baby-foot comme nouveaux habits de la civilité. Il reste que pour l’heure, trois phénomènes se dessinent ou s’accentuent :
– le glissement graduel mais constant de la fonction de gestion – des équipes, des dossiers ou des missions – vers les concepts plus flous de pilotage puis de gouvernance. On ne dirige plus, on coordonne, on borde, on suit. Ce n’est plus unitaire mais fédéral, voire balkanique. C’est un choix, mais au prix d’une vulnérabilité accrue et d’une cohésion affaiblie.
– une lisibilité externe et interne du MAE de plus en plus difficile, une dilution chez les agents de leur sentiment d’appartenance, avec à l’arrivée un questionnement sur le sens et l’avenir des missions que ne manquent pas d’accentuer l’affaissement continu de l’Etat et une construction communautaire qui questionne inéluctablement notre propre souveraineté (avec en contrepoint l’assurance éminemment naturelle des délégations de l’UE à travers le monde). En jouant sur la segmentation de leur mise en œuvre, les réformes n’auront en réalité aucun mal à faire entrer les agents et les bureaux en concurrence entre eux et à favoriser les réflexes – mortifères – de boutique. La LOLF aura été à cet égard une bonne répétition : malgré leur consciencieux lâchage des Programmes 185 et au 209, les Programmes 151 et désormais 105 sont à leur tour frappés par les rigueurs de tout poil. Pourtant, tout se tient dans l’action extérieure de l’Etat.
– la fragilité et l’asymétrie croissante du Département dans sa relation en interministériel, avec Bercy bien sûr (Direction du Budget, DSFIPE), mais aussi l’Education Nationale (les réticences croissantes des rectorats à laisser partir leurs enseignants dans le réseau AEFE), l’Intérieur (souvenons-nous des visas), etc. Dernier exemple en date, la direction du SGAE (organisme qui avait déjà quitté le giron du MAE), qui vient d’échapper au Département.
C’est dans ce contexte que la question de notre réseau (pertinence de la cartographie des postes à l’étranger – en particulier dans la zone UE -, mais aussi compétences), d’une part, et, au-delà, celle du statut, ne vont pas tarder à arriver sur la table…