Une réunion de concertation syndicale s’est tenue le 15 juillet. Etaient présents les syndicats ASAM, CFDT, CFTC, CGT et FO. La CFDT était représentée par Raphaëlle Lijour et Thierry Duboc.
Le directeur général de l’administration, à la demande du ministre, a confié à Thierry Borja de Mozota une mission sur la fonction de représentation dans le réseau du MAE. Celui-ci indique que la fonction de représentation est une des quatre grandes missions des chefs de mission diplomatique, les trois autres étant la négociation, la communication et la gestion. La fonction de représentation devrait être la plus importante car la mission de l’ambassadeur est de représenter le chef de l’Etat et plus généralement les intérêts de la France. Or cette fonction est négligée et considérée trop souvent comme une « tâche mondaine ».
Hormis quelques passages dans le Guide de déontologie, il existe peu de règles en la matière et le Mémento du chef de poste est muet sur le sujet. Il s’agit donc d’instaurer un code de bonne conduite – 8 pages dans le Mémento – qui vaudra pour le MAE mais qui sera communiqué aux autres ministères. A la CGT qui demande si le but de cette mission est de diminuer les effectifs, il est répondu qu’il s’agit plutôt d’un travail de clarification et que dans certaines résidences il faudrait plutôt créer des emplois.
Il faudra répondre à observations ou critiques suivantes :
La fonction de représentation est assimilée faussement à un exercice mondain
Trop de chefs de poste aiment bien frayer avec la « bonne société ». Il faut les inciter à voir les gens sur le terrain, « moins de mondanités et plus de persuasion », en direction notamment des personnalités culturelles, des syndicalistes, des journalistes, des assistants parlementaires…
A la question de la CFDT pour savoir où l’on doit placer le curseur entre trop et pas assez de mondanités, M. de Mozota répond qu’il n’est pas nécessaire que nos ambassadeurs se rendent à toutes les fêtes nationales. Il faut honorer nos amis et nos alliés « sinon on se fait représenter », rencontrer toutes les catégories et pas seulement les « chers collègues » ou les « grappes de mondains ». Concrètement un tableau de bord rendra compte, catégorie par catégorie socioprofessionnelle, des gens qui sont reçus.
Il existe des écarts phénoménaux en termes de nombre d’invités chaque année dans des pays de dimension comparable (i.e. 20 fois plus d’invités au Japon qu’en Corée, même constat entre le Chili et l’Argentine).
Concernant le 14 juillet, vécu souvent comme un casse-tête qui coûte cher et les partenariats avec le privé ayant leurs limites, l’idée serait de se limiter aux représentants élus et nommés des Français de l’étranger, à une partie du secteur culturel qui est notre outil de rayonnement et aux autorités locales. Il s’agit d’un exercice politique et nous n’avons pas les moyens d’attirer tous les mondains et les pique-assiettes.
Utilisation trop privative des résidences et des véhicules de fonctions
L’Inspection a déjà souligné des « fragilités » (terme bénéficiant d’un voile pudique pour ne pas dire « dérives ») telles que des véhicules de fonction devenus véhicules privés, des chauffeurs et du personnel de résidence corvéables à merci sur des tâches qui ne concernent pas la fonction de représentation.
Les syndicats demandent que les week-ends soient sanctuarisés à la résidence : sauf évènement exceptionnel, l’ambassadeur et sa famille peuvent se préparer eux-mêmes leur petit déjeuner et leurs repas dominicaux. CGT et CFDT évoquent le télégramme circulaire adressé le 18 novembre 2004 par le secrétaire général au sujet du « comportement des chefs de poste et de leurs conjoints à l’égard du personnel de recrutement local », qui rappelait notamment la considération dont doivent bénéficier les personnels de la résidence de la part de leur employeur et le nécessaire respect de la durée hebdomadaire de travail.
Le corps préfectoral, qui est en avance sur nous, est beaucoup plus rigoureux. Le préfet dispose de son réfrigérateur privé et d’un livret de bord. Il sera rappelé que le chef de poste – sauf conditions de sécurité particulières – doit disposer d’un véhicule personnel et d’un chauffeur personnel pour ses déplacements privés et, le cas échéant, ceux des membres de sa famille.
Manque de transparence
Les recrutements et les carrières des recrutés locaux des résidences sont flous, avec des cas de népotisme, des cooptations locales ou familiales. La CFDT rappelle à ce propos que c’est le rôle des commissions consultatives locales (CCL) d’émettre un avis sur ces questions. M. de Mozota souligne, exemples à l’appui, que le recours à l’externalisation, préconisé pendant longtemps par le Département (extras en cuisine, pour le service ou encore pour le jardinage et le gardiennage) n’est pas satisfaisant au niveau sécuritaire.
Les participants à la réunion conviennent que les collègues recrutés locaux des résidences doivent avoir davantage accès à la formation (hôtel du ministre, écoles hôtelières). Il est parfaitement anormal que les frais de séjour restent à leur charge alors que les collègues expatriés sont en mission ou en appel par ordre quand ils viennent en formation à Paris ou à Nantes.
Gestion trop empirique
Dans une vingtaine de postes, des comptes dédiés seront créés pour être gérés non pas par la secrétaire du chef de poste ou par le conjoint du chef de poste mais par l’intendant ou le chef de service commun de gestion (SCG).
Les forfaits de remboursements des repas et réceptions sont souvent trop élevés. Le remboursement aux frais réels serait préférable mais l’on se heurte, dans certains pays, à une difficulté pour obtenir des factures et des justificatifs comptables. Les syndicats rappellent que dans certains pays les frais de bouche du personnel remboursés au chef de poste – survivance coloniale ! – ne sont pas toujours justifiés ! La gestion des caves pourrait être centralisée car trop de chefs de poste se désintéressent de cette question et commettent parfois des fautes de goût.
A la CFDT qui pose la question du rôle des conjoints des chefs de poste, M. de Mozota répond que 30 % des ambassadeurs ont un conjoint habitant sur place en permanence. Il signale, à notre grand étonnement, que ceux-ci peuvent utiliser une partie des frais de réception sous le contrôle du chef de poste ! Il estime qu’il faut inciter ces conjoints à participer à des colloques avec des ONG, dans les domaines éducatif et social.
Protestations de l’ASAM, de la CFDT et de la CGT : il ne faut pas instituer une fonction qu’ils n’ont pas et veiller à ce qu’ils n’empiètent pas sur la gestion du poste et du personnel.
Absence de représentation des autres chefs de service
M. de Mozota indique que les responsables des autres services déconcentrés de l’Etat exercent souvent très mal leur fonction de représentation alors qu’ils disposent eux aussi de crédits à cet effet. Les réunions de service sont trop souvent l’occasion pour l’attaché de défense ou le chef de la mission éco de demander à l’ambassadeur de recevoir untel ou untel.
La question du rôle et de la participation du n°2 et des autres collaborateurs du Département est également posée.
M. de Mozota indique que son rapport devrait être remis prochainement et qu’il appartiendra au DGA et au ministre de valider ou pas ses propositions. Idéalement une communication pourrait être faite lors de la prochaine conférence des ambassadeurs.
Commentaire : les syndicats n’ont pas été déçus par cette réunion où des questions jamais traitées auparavant ont pu être discutées sans faux-semblant. Nous attendons maintenant que le rapport clarifie le sort des personnels des résidences et des chauffeurs des chefs de poste (transparence des recrutements et des avancements, évaluation annuelle, temps de travail, logement le cas échéant), la gestion des frais de réception et le rôle des conjoints de chef de poste.