Monsieur le Ministre,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Directrices et Directeurs,
Chères et chers collègues,
Nos sujets revendicatifs qui portent notamment sur la création d’une charte des recrutés locaux, l’harmonisation de la rémunération des contractuels avec leurs collègues titulaires et l’alignement de l’indemnité de changement de résidence des agents de catégorie C avec les autres catégories d’agents, vous les connaissez, l’administration les connaît. Nous ne les aborderons pas aujourd’hui devant vous.
Nous vous parlerons de la crise sanitaire qui dure et de cette 2ème vague, omniprésente et pesante, et de vos équipes, monsieur le Ministre, qui sont malmenées, usées et, pour tout dire, lessivées.
Certes en apparence, tout va bien ou presque car les agents du Département continuent à faire preuve d’un engagement et d’une détermination sans faille, vous venez de le souligner dans votre intervention, et les services, inventifs et réactifs, s’organisent tant à l’administration centrale que dans les postes, pour pallier, du moins en partie, le manque de moyens humains et d’outils de mobilité en nombre suffisant.
Pourtant les consignes gouvernementales sont claires : l’Etat doit être exemplaire pour protéger les agents et les usagers tout en assurant la continuité des services publics et, pour le MEAE, vous avez cité le « service public à l’international ». En termes de fonctionnement, cela passe, notamment, par un recours accru au télétravail et par l’aménagement des horaires en présentiel.
Or de graves incohérences persistent au sein de ce ministère, malgré l’expérience de la 1ère vague – vous-même souhaitez que l’on en tire des enseignements – et qui mettent à mal la mise en œuvre effective de vos consignes. Nous allons vous en citer quatre :
1 / incohérence vis-à-vis de nos collègues recrutés locaux – qui représentent 60% des agents du Département à l’étranger – et à qui l’on continue de refuser ou de limiter drastiquement la dotation en outils de mobilité ;
2 / incohérence vis-à-vis des secrétaires généraux d’ambassade, vous les avez cités, sollicités de tous côtés, dont la charge de travail et le métier sont encore ignorés ;
3/ incohérence encore vis-à-vis des correspondants des systèmes d’information, dont les fonctions multitâches, déjà lourdes en temps normal, ont explosé avec la gestion technique de la crise ;
4/ incohérence enfin du manque de moyens de visioconférence fiables et stables, permettant un dialogue de qualité.
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1 / incohérence vis-à-vis de nos collègues recrutés locaux (RL)
La deuxième vague a enclenché un retour massif au télétravail alors que nombre d’agents de recrutement local ne sont toujours pas dotés d’outils de mobilité fiables et sécurisés.
Ce n’est plus la 1ère vague qui, collectivement, nous a tous pris de court et a accéléré la mise en place de nouveaux modes de fonctionnement et des modalités de travail souples et innovantes. C’est bien la 2ème, quelques mois plus tard, qui nous fait revivre les mêmes scènes ou presque, dans l’urgence, d’achats d’ordinateurs, de tablettes et de téléphones portables pour le déploiement de smartéos, de lignes dédiées et de Portaléo.
Dans un souci de bien faire, les agents RL ont d’abord été laissés chez eux sans possibilité de travail à distance car ils n’avaient plus accès à leur environnement bureautique. Puis, rapidement, les instructions aidant, ils ont été rappelés en présentiel, alors que bien équipés, ils auraient pu travailler à distance…
Alors que les recrutés locaux représentent plus d’un agent sur deux à l’étranger, ils n’ont toujours pas droit, sauf dans les tout petits postes à un laptop Itinéo, seul outil qui permet de travailler de chez soi comme si on était au bureau. Ils n’ont pas non plus la possibilité de travailler en mode dégradé avec un token ou un smartéo, ceux-ci ne leur étant accordés qu’au compte-goutte et après dérogation.
Certes, dans leur très grande majorité, ils ne possèdent pas d’habilitations, mais quand ils exercent leurs fonctions en présentiel et ont accès aux logiciels et aux fichiers de données, cela ne semble pas poser problème.
Comment un comptable local pourrait-il travailler de chez lui sans accès au logiciel permettant de passer les dépenses et de régler les factures ?
Comment un SGA pourrait-il fonctionner sans que les gestionnaires administratifs et les Intendants techniques et de résidence aient accès à leur BAL professionnelle ?
2/ Incohérence vis-à-vis des SGA :
Les SGA, sans renfort en personnels de gestion, avaient déjà les pires difficultés à faire face à l’élargissement de leur périmètre d’intervention en application de la réforme des réseaux de l’Etat. Pendant toute la durée de la crise sanitaire, ils ont dû se mobiliser très fortement et parfois jusqu’à l’épuisement.
Dans certains pays, ils ont été d’abord mis à contribution pour la gestion des vols de « rapatriement » puis ont été les chevilles ouvrières de la mise en place, parfois complexe, des PCA et des mesures d’accompagnement des agents.
Sans accès aux logiciels comptable et de gestion des personnels (Corège, Sagaie), les agents locaux qui constituent l’immense majorité des équipes des SGA, n’ont pu travailler à distance et même pas du tout travailler dans les pays où ils ne pouvaient obtenir d’autorisations de déplacements.
Ainsi, beaucoup de SGA se sont retrouvés avec peu ou pas de personnel en présentiel pour assurer leurs missions pendant de longues semaines, accompagner les changements d’affectation, réaliser des achats locaux d’équipements de protection des agents et du public, en période de pénurie, et gérer humainement les conséquences de cette organisation. Dans certains pays, ils ont dû également gérer les cas contacts et les cas positifs au sein des postes.
En outre, un suivi particulier de la crise leur a été demandé (dépenses liées à la Covid, gestion administrative des absences, dialogue social renforcé et, dans certains postes, recherche de prestataires locaux pour approvisionner la France en matériel et médicaments manquants). Ces exercices, certes légitimes, ont reposé sur les mêmes agents au sein des SGA, pendant des mois, se juxtaposant parfois avec les pics de crise.
Enfin, les SGA ont dû continuer à exercer leurs fonctions de pilotage RH, budgétaire et comptable, d’acheteurs, de suivi administratif des travaux et de gestionnaires interministériels à côté de collègues des autres administrations qui ne comprennent pas tous leur rôle et d’une hiérarchie qui ignore bien souvent leurs contraintes, voire minimise l’étendue et la complexité de leurs tâches.
3/ incohérence encore vis-à-vis des CSI et de leurs binômes
Dans les chancelleries diplomatiques, le sacro-saint schéma où l’agent ressources, bien souvent responsable du CAD, effectue également des remplacements fréquents au secrétariat quand on ne lui demande pas, en plus, de s’occuper de quelques dossiers de visas, a montré son inadaptation en cas de crise.
Les correspondants des systèmes d’information (CSI) ont dû assumer souvent seuls sur place, très souvent dans l’urgence, en lien avec des CRASIC réactifs et agiles, la mise en place de cellules de crise, de visioconférences, de transferts de standard et de lignes dédiées aux réponses téléphoniques, avec la réussite que l’on connait.
Ces personnels, souvent dans l’ombre en temps normal et dont le métier est peu valorisé, se sont révélés essentiels dans la gestion de la crise par les postes, adaptant les dispositifs locaux en fonction de la situation sanitaire en perpétuelle évolution, passant de PCA en PRA souvent avec des allers-retours.
Ces agents et leurs binômes ont été très fortement mobilisés, pendant plusieurs semaines, parfois 7 jours sur 7 et tout ceci dans une ambiance de travail stressante, poussée à son paroxysme. Sans eux, les dispositifs ingénieux des postes pour prendre en charge nos compatriotes bloqués n’auraient pu être déployés si rapidement et avec autant d’efficacité.
Arrêt des suppressions d’emplois en 2021
Dans une NDI qui circulait récemment, l’administration se targuait d’avoir atteint 80% de l’objectif d’AP 2022 dès 2020.
Dans le contexte actuel qui vient d’être décrit, cette satisfaction laisse un goût amer : si un rythme régulier avait été tenu, ce sont 160 ETP qui auraient pu être conservés et non pas seulement 80, alors que la ressource humaine est « épuisée ».
Car partout au sein du réseau, dans les deux hémisphères, des collègues de toutes catégories A, B et C, s’épuisent inexorablement devant les trop nombreuses tâches à accomplir, en particulier dans les fonctions consulaires et au sein des SGA.
La CFDT-MAE salue comme il se doit votre action et le combat mené pour obtenir l’arrêt de la suppression des emplois en 2021 mais qu’en est-il des prochaines années ?
Nous prenons acte de la stabilisation des effectifs et de l’arrêt d’AP 2022. Pouvez-vous nous assurer de la fin de l’exercice purement comptable « Action Publique 2022 » dont nous voyons aujourd’hui, avec une acuité supplémentaire, les dégâts que cela a causé au Département et aux agents qui y travaillent ?
4/ Incohérence enfin du manque de moyens de visioconférence fiables et stables permettant un dialogue de qualité.
Nous nous étions déjà retrouvés, en un mode dégradé similaire, voici près de 6 mois.
Dans l’urgence dictée par le premier confinement, en France comme dans les postes, nous avions tenu en audioconférence une réunion qui permettait de réunir un CTM de printemps, certes, mais qui ne permettait pas d’échanges nourris.
Et aujourd’hui nous sommes un peu dans la même situation : il est toujours impossible, de réunir une instance digne de ce nom, qui permettrait, en visioconférence, de débattre des sujets encore plus importants en ces temps de crise.
Le dialogue social au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a souffert de la crise. Si, dans la pratique quotidienne, le fil n’est pas rompu avec l’administration notamment grâce à l’efficacité de nos collègues du bureau de dialogue social, dans les instances formelles les débats ressemblent parfois à de simples monologues.
La CFDT-MAE regrette donc que des solutions innovantes et, peut-être, plus adaptées, qu’elle avait proposées, n’aient pu être retenues. En effet, il lui semblait pertinent de pouvoir fractionner le CTM en plusieurs sessions à thème, en privilégiant la visioconférence en petits comités avec des intervenants limités et connaissant bien leur dossier.
- Cellule « tolérance zéro »
La CFDT-MAE, qui a accueilli avec satisfaction votre volonté de créer une cellule commune d’écoute (égalité professionnelle, harcèlement moral et sexuel) milite pour une professionnalisation accrue des référents (psychologues, juristes) et en nombre suffisant.
Monsieur le Ministre, vous souhaitez un ministère plus humain et plus à l’écoute de ses agents, la CFDT-MAE aussi.
Je vous remercie./.