Bilan du marasme de la gestion des corps SIC.
Allongement du temps de la première affectation en Centrale, inquiétudes sur la façon dont les primes d’expertise technique seront versées lors du passage au RIFSEEP, absence de perspectives de carrière, menace de disparition par la noyade dans le corps interministériel, des ISIC, politique de recrutement illisible et passablement inquiétante, quasi absence de dialogue social, cela fait beaucoup pour un corps dont de nombreux agents restent malgré tout largement attachés à leur ministère.
Cependant, face à la fuite des cerveaux dont ce contexte morose est responsable, l’administration répond par l’autoritarisme. Elle invoque la sacro-sainte raison de service pour empêcher les nouveaux candidats désireux de mettre en œuvre leur droit à la mobilité professionnelle, pensant ainsi masquer une incapacité à gérer les effectifs et à anticiper leur évolution. Où est la GPEEC attendue depuis 10 ans ? Où sont les promesses du grand projet MAEDI 21 ? La CFDT appelle de ses vœux que les plans de l’autoroute du bon sens et de la bonne gestion convergent avec la réalité et que le dialogue social soit rétabli.
Depuis 2016, deux ASIC ont déjà fait le choix de quitter temporairement la DSI ; qui pour rejoindre les services de l’Elysée, qui pour un poste de chargé de mission stratégique dans le secteur privé. Au total, une dizaine de candidats au départ inquiète d’ores et déjà l’administration qui répond par un blocage de principe qui relèverait du systématique. En mars 2016, la DRH publie une offre d’emploi de responsable de l’équipe de sécurité informatique pour le SEAE. Qui, au ministère, plus qu’un ASIC, pourrait postuler sur ce type d’emploi technique ? Ni une ni deux, les candidats se présentent mais sont renvoyés aussi sec dans leurs cordes : la raison de service est souveraine. Un plafond d’emploi non atteint, une difficulté à recruter sont les raisons qui conduisent l’administration à priver les ASIC de sortie.
Considérons au contraire à quel point il est souhaitable de valoriser la démarche de mobilité. Concentrons-nous sur l’intérêt mutuel de l’administration et des agents à la diversification des carrières et à l’oxygénation des corps. Mais ce point de cristallisation éclipse en réalité plusieurs problématiques de fond.
Cette propension de certains à découvrir d’autres horizons est en effet motivée par un contexte professionnel difficile qu’ensemble, nous pourrions cependant améliorer si un réel dialogue était rétabli.
- Des départs en poste toujours plus incertains
Tout d’abord le temps de présence de la première affectation en administration Centrale en continuelle augmentation est un facteur de démotivation chez les agents récemment arrivés. L’incertitude anxiogène liée à la constante évolution de cette durée ne permet pas aux agents de se projeter sereinement dans l’avenir. Si l’état du ratio entre nombre d’agents dans le corps (100) et nombre de postes proposés à l’étranger (31) est un fait et n’est remis en cause par personne, il n’est pas acceptable que le critère discriminant qui préside à la priorisation des départs soit celui de « non-primo-partant ».
Soulignons l’effort appréciable de la DRH qui semblait avoir pris en partie la mesure de cette difficulté dans l’exercice de transparence 2016 où était annoncée la création de 4 postes d’adjoints. Malgré ces efforts, plusieurs ASIC non dérogatoires sont restés sur le bas-côté de la transparence et viendront gonfler les rangs déjà fournis des prochains candidats au départ 2017. Dans le même temps, un poste-à-poste a encore été accordé cette année, retardant d’autant le départ d’un candidat éligible au départ.
Qu’en sera-t-il pour 2017 ? Une douzaine de candidats sont en lice et seul un poste d’adjoint se libérerait. L’équation semble difficilement pouvoir être résolue sans une politique volontariste de l’administration. La question posée lors du groupe de travail de janvier 2016 et reste à ce jour sans réponse.
Il semble évident de considérer que si certains CRASIC de grande taille nécessitent un responsable expérimenté, la notion de « primo-partant » ne permet pas de répondre au défi posé par la transparence des ASIC.
Les ASIC, sont des agents de catégorie A, souvent de niveau ingénieur, Bac+5 ou plus encore et sont recrutés pour leur potentiel ou encore leurs compétences de manager acquises lors d’expériences professionnelles antérieures. Ils sont appelés à exercer des fonctions à responsabilité en Centrale (budgets importants, encadrement d’équipe, forte exposition, expertise technique à responsabilité). On comprend mal pour quels motifs ils ne pourraient pas assurer le rôle de chef de CRASIC à l’occasion d’une première expatriation, compte tenu notamment de l’allongement de la durée des affectations en Centrale et donc du renforcement des ces compétences.
Il semble ainsi nécessaire à la CFDT que l’administration prenne en compte les profils des agents afin de pouvoir les affecter au besoin sur des postes correspondant à leurs compétences, à savoir soit sur de nouveaux postes d’adjoint soit sur des postes de responsable de CRASIC.
Il reste à saluer la démarche de la DRH qui propose pour la rentrée 2017 que le poste d’affectataire des ressources de la DSI soit assuré par un SAE et non plus par un SESIC. Gageons que ce choix permette une gestion plus symétrique des ressources par rapport aux autres corps du ministère de catégorie équivalente.
- Une politique de recrutement illisible
Par ailleurs, une meilleure lisibilité au niveau du recrutement serait souhaitable. Malgré le fait que les organisations syndicales aient pointé du doigt à plusieurs reprises le danger de faire miroiter aux futurs ASIC des carrières d’expatriés pour attirer les jeunes diplômés, cette année encore, le volant d’information faisait figurer « l’obligation du séjour à l’étranger » pour les SESIC comme pour les ASIC. Il n’est donc pas étonnant que la grande majorité des ASIC recrutés ces dernières années se pressent au portillon de la transparence : c’est un des moteurs de leur motivation et de surcroît, un de ceux qui a d’ailleurs contribué à les sélectionner !
Le projet MAEDI 21 présentait, avec raison, le besoin de réforme des concours. Comme la CFDT l’a déjà indiqué dès la parution du projet de réforme des concours de la filière SIC, la copie était à revoir. Aucun retour n’a jamais été fait à ce sujet. Cette réforme loufoque a été accompagnée d’une suppression du concours ASIC qui aurait dû avoir lieu en 2016. Là encore, on cherche la cohérence de cette gesticulation tous azimuts. La question aurait pu être traitée en groupe de travail, comme cela avait été proposé. La CFDT demande que le prochain groupe de travail prévoie à l’ordre du jour un point sur cette réforme.
Enfin, l’accueil des nouveaux arrivants qui se retrouvent catapultés pour la grande majorité sur des postes qui ne correspondent ni à leurs attentes ni à leurs compétences pourrait grandement être amélioré. Une rencontre entre les lauréats et les chefs de service pourrait être organisée par la DRH avant les affectations, comme cela se fait au ministère de la Défense par exemple.
Notons en passant les bienfaits de la participation des ASIC à l’IDC en ce qu’elle contribue à renforcer le processus d’intégration dans la maison et qu’elle participe au rapprochement de la gestion des ASIC avec celle des SAE.
- Des primes de qualification techniques menacées
L’absence d’éclairage sur la façon dont le RIFSEEP sera mis en œuvre pour la DSI est pour le moins inquiétante, à 8 mois de la date butoir d’application de la réforme. C’est en effet la question de l’articulation des primes de qualification informatique avec ce dispositif qui est posée : quelle solution la DRH a-t-elle prévue pour que des agents qualifiés conservent les primes informatiques lors du passage au RIFSEEP ?
Nous sommes pleinement disposés à participer à des échanges avec l’administration sur la façon dont le RIFSEEP pourrait être appliqué. Ce serait là aussi l’occasion rêvée de lancer enfin le chantier tant attendu de la cartographie des compétences pour donner corps à une future GPEEC qui joue l’arlésienne depuis trop longtemps.
S’ajoute à cette question le refus de l’administration de laisser les agents participer aux préparations des concours organisés par Bercy pour obtenir ces fameuses qualifications. Ce traitement injuste rompt le principe d’égalité entre fonctionnaires. Le tir doit être corrigé.
- Gestion des compétences qui se fait attendre
L’absence de cartographie des compétences pénalise l’organisation de la DSI, car elle fait obstacle à la gestion efficace des ressources. La façon dont la rubrique « informatique » est présentée dans l’autoévaluation FANEV en a laissé perplexe plus d’un lors de son renseignement. Cela dénote d’une certaine méconnaissance des métiers SIC. Décliner les compétences « informatiques » dans FANEV en lien avec la réalité des métiers serait une excellente base pour la mise en œuvre de la GPEEC.
Les SESIC et les ASIC occupent aujourd’hui indifféremment les mêmes postes, à l’exception des postes d’encadrement. Il serait intéressant d’avoir une réflexion sur ce qui distingue, tant d’un point de vue fonctionnel qu’en termes de compétences attendues, un SESIC ou d’un ASIC. Dans la mesure où les SESIC disposent déjà d’une expertise technique, les ASIC devraient pouvoir tout au long de leur carrière, acquérir puis renforcer leurs compétences managériales.
- Perspectives de carrière bouchées
Bien sûr, les jeunes ASIC ne sont pas les seuls victimes de cette gestion déconcertante. Leurs perspectives de carrière ne sont guère élaborées et on ne peut que regretter l’absence du passage d’ASIC dans les corps des conseillers depuis une dizaine d’années. Pour un ASIC expérimenté, que souhaiter d’autre qu’un nouveau départ à l’étranger, même après avoir exercé des fonctions à haute responsabilité en Centrale ?
Réfléchissons ensemble à des passerelles ainsi qu’à des parcours envisageables vers des métiers pour lesquels l’administration a besoin de candidatures (maîtrise d’ouvrage côté métier, gestion financière, rédacteur sur des problématiques techniques etc.) La DRH devrait pouvoir identifier des profils qui répondraient brillamment à ces besoins spécifiques. La fusion des corps SAE/ASIC et SCH/SESIC permettra cette fluidité.
- L’interministériel : non merci
Le spectre de l’interministériel rôde et chaque rencontre avec l’administration est l’occasion de rappeler la revendication intersyndicale ferme et déterminée de la fusion des corps ASIC avec SAE et SESIC avec SCH sous forme d’une filière technique.
- Dialogue social en trompe-l’œil
L’absence totale de réponse de la part de la hiérarchie DSI et/ou DRH à des questionnements divers émis par les agents, notamment suite à l’exercice de transparence (les candidats non retenus pour un départ en septembre 2016 n’ont toujours reçu notification de la décision prise…) n’est pas acceptable.
Le groupe de travail SIC est une pantalonnade : trop rarement convoqué, mal, voire pas préparé du tout ou encore repoussé au dernier moment. Un véritable dialogue social doit reprendre, au cours duquel il s’agit de débattre plus que de servir de chambre d’enregistrement et dans lequel les réflexions peuvent être développées et échangées véritablement et non juxtaposées sans aucun effet ultérieur.
Conclusion
Le numérique est un des enjeux centraux de la modernisation du ministère, il est crucial d’aborder la question de ses ressources humaines avec cohérence, volontarisme et concertation.
Trouver les vecteurs de motivation qui permettront d’asseoir les métiers SIC au Département est fondamental pour conserver l’attractivité du corps, un recrutement de haut niveau, et donc l’efficacité de notre DSI au service de la diplomatie française.
Cette efficacité est certes réelle, mais le fonctionnement de la DSI se délite : redressons ensemble la barre et suivons avec vigilance le cap que nous fixe l’initiative MAEDI 21, dont 10 objectifs concernent directement la DSI, avant que l’esquif ne se brise sur les écueils de l’autoritarisme, de la perte de spécialisation et du désintérêt.