Dans le cadre des travaux préparatoires au projet de résolution d’orientation 2022/2026, la Confédération a lancé une plateforme dédiée à recevoir, sous forme de propositions normées, les réflexions de l’ensemble des syndicats qui la composent : La Consult’ : 4 mois de débats (de janvier à juin 2021) autour de thèmes prédéfinis.
Les sections Nantes et Paris de la CFDT-MAE ont répondu présent et ont organisé, en visio-conférence, le 20 mai dernier, un débat autour de “l’organisation du travail de demain”.
En voici les grandes lignes et les propositions :
Introduction :
L’organisation du travail est directement en lien avec l’organisation sociale. Mais qu’appelle-t-on le travail ? Que voulons-nous intégrer dans cette définition ?
Un rappel des concepts sur la création de la richesse et la création de la valeur dans notre société (et plus largement dans un mode régi par le néolibéralisme) mérite d’être tout d’abord effectué. : Quelle est la place et la valeur accordées au travail dans notre société ? La rémunération du travail garantit-elle, dans des conditions collectivement déterminées, la plus grande tranquillité matérielle sur toute la vie ?
Des échanges qui ont suivi, 8 propositions ont émergés :
Proposition 1 :
Répartir le travail pour que tout le monde en ait en revendiquant une baisse du temps de travail : l’enjeu est d’inclure davantage de travailleurs en diminuant le temps de travail. En effet, notre bien le plus précieux, c’est le temps. Et le travail à une utilité fondamentale à notre insertion et à la définition de notre place dans notre société.
Proposition 2 :
Mener une réflexion approfondie sur les effets délétères du télétravail lorsqu’il est à temps complet sur une longue période, comme celle que nous venons de vivre, afin de porter des revendications pertinentes et constructives : question sur les locaux au travail, vont-ils évoluer ? sur les mauvaises conditions (les conditions de logement exigüité, promiscuité, bruit etc.), l’isolement (ne voir ni ne parler à personne ce qui devient aliénant), le manque de confiance accordée aux agents par leurs chefs de service.
Le lien social virtuel ne suffit pas. Il ne peut se substituer au contact, essentiel pour l’être humain qui est un « animal social » par nature.
Proposition 3 :
Sur le même sujet, le coût que représentent les aspects matériels du télétravail (électricité, connexion internet, eau, chauffage, achat de matériel informatique, achat de matériel de bureau, non-accès à un restaurant administratif…) doit être intégralement pris en charge par l’employeur.
Proposition 4 :
Toujours dans le même ordre d’idée : respecter le droit à la déconnexion : le télétravail abolit la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Il faut restructurer la vie des travailleurs qui télétravaillent.
Proposition 5 :
On ne met pas de bébé (ni d’enfants) à la consigne, même à domicile ! Gérer le télétravail et la garde d’enfant est juste invivable : nous devons refuser de mener de front une journée de travail à domicile, même « aménagée », avec la garde d’enfant(s). On ne peut pas cumuler deux journées de travail en une seule.
Proposition 6 :
De manière plus générale, anticiper les changements à venir en matière de pratique d’emploi : ne pas devenir les victimes passives de ce qui est déjà advenu. Le problème de rupture du lien entre employeur et employé déjà constaté avec le télétravail peut encore s’aggraver avec le développement prévisible du portage salarial (forme d’emploi impliquant une relation tripartite entre un travailleur indépendant, un client et une entreprise de portage salarial) qui apparait en France après s’être quasiment imposé dans certains secteurs en Asie du sud-est et dans le Golfe.
Proposition 7 :
S’occuper d’un enfant ou d’un parent crée de la richesse. Revendiquons une reconnaissance à la même valeur (monétaire et symbolique) dans notre société que pour l’occupation d’un emploi.
Proposition 8 :
Que le travail de demain ne ressemble pas à celui d’aujourd’hui. Ni le télétravail. Qu’ils soient meilleurs : la collégialité est essentielle pour définir l’organisation du travail, à tous les niveaux (de la pause-café d’un bureau ou service jusqu’aux discussions nationales).
Conclusion :
Nous disposons déjà d’outils, tout n’est pas à créer. Encore faut-il s’en servir, faire appliquer ce qui est déjà prévu, plutôt que d’en inventer d’autres. Au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, nous avons la Charte du temps. Il faut la faire appliquer, tout comme le droit à la déconnexion. Mais la réelle difficulté réside dans l’effectivité et la bonne foi. Que pourrait-on faire, alors que le rapport de force joue en défaveur des travailleurs et des organisations syndicales ?
Tout d’abord, il faut changer notre discours, se réapproprier l’usage des mots, l’utilisation du langage a toute son importance (lire ou relire Noam Chomsky) ; réfléchir à notre vocabulaire pour ne pas reprendre systématiquement celui de l’administration (les équipes, le management, les sachants, les savoirs-être…).
Il faut ensuite avoir une structure intellectuelle opérationnelle, qui ne se limite pas à un catalogue de revendications. Il convient d’avoir et de montrer que nous avons une réflexion globale.